- Nom : Pacadis
- Prénom : Alain
- Surnom :
- Journaliste et auteur.
- Né le 5 juillet 1949 à Paris (75).
- Mort le 12 décembre 1986 à Paris (75)
Interview d’Alain Pacadis par Serge Gainsbourg (« Un jeune homme chic » de Alain Pacadis) SG : Et qu’est-ce que c’est le punk sur le plan idéologique ? AP : On ne sait pas très bien. Avant, tout le monde était d’extrême gauche avec des convictions très fortes, maintenant, c’est le confusionnisme. Les Sex Pistols sont des anarchistes d’extrême droite. Ils cousent sur leurs vêtements des insignes nazis et des portraits de Marx. C’est un jeu avec les signes mais qui choque beaucoup de monde. C’est bien de choquer. La mode vestimentaire a complètement changé. Les hippies étaient les adeptes d’un style baroque : couleurs vives, motifs inspires des volutes des light-shows, accumulation de détails. La nouvelle mode punk revient à des tendances plus classiques cheveux courts, port de la cravate qui devient un signe de reconnaissance. SG : L’idéologie ne s’arrête pas a l’éthique vestimentaire, à une présentation photographique de l’individu. on tu en es sur le plan idéologique ? AP : En fait, je dois être de gauche puisque j’écris parfois dans Libération qui est un journal de gauche, mais moi la politique, ça ne m’intéresse pas, ça ne me fait pas planer ! SG : C’est un peu vaseux tout ça, mais c’est exactement l’image de ce qui se passe actuellement. On est paumé (regardant mon badge de Iggy Pop). Je croyais que l’époque des badges était révolue. AP : Non, pas les badges punks. Ça, c’est un badge de Iggy. Je le porte parce que je l’aime bien, il m’est très sympathique. SG : Et pourquoi portes-tu une croix de fer ? AP : C’est une fausse. Je l’ai achetée avant-hier à Londres, à Carnaby Street. En Angleterre, il y a un renouveau du trip « Berlin 1935 », cheveux teints en blond, air langoureux, maquillages outranciers et perversions sexuelles. Mais tu dois connaître tout ça, ce sont les ingrédients de ton disque Rock around the Bunker. Tu as été le seul en France a pressentir ce mouvement. Depuis, Iggy Pop et David Bowie sont allés vivre a Berlin, redécouvrant Metropolis de Fritz Lang ou les tableaux expressionnistes. Quand j’ai rencontré Iggy, il a flashé comme toi sur cette croix, mais tout ça ce ne sont que des signes qui n’ont pas de rapport avec la politique. SG : Non, je ne pense pas non plus. Mais, a Paris, ca peut être pris pour une provocation. Les gens ne sont pas concernés par le coté esthétique des choses. Tu sors beaucoup ? AP : Oui, mais je ne sors que le soir, quand le soleil est couché. J’ai horreur de la lumière du jour, aussi je porte toujours des lunettes noires. La nuit, tout est possible. SG : C’est aussi là où il y a le plus de danger. AP : Oui, le problème de la recrudescence de la violence est d’actualité. SG : Paris est quand même moins dangereux que New York. AP : Je trouve New York très calme. Tu sais, il y a des junkies en manque partout. Je ne vois pas pourquoi les médias montent cela en épingle a New York. C’est moins dangereux que Belleville. Cet été, il y avait a Belleville une très bonne ambiance, les petits cafés arabes, les dealers, c’est pourquoi j’y allais si souvent, ça m’excitait… SG : Pourquoi tu y allais ? AP : Oh, j’avais un trip très poubelle. Trash. Belleville et Pigalle sont pour moi les deux quartiers de Paris qui ressemblent le plus a New York. SG : Oui, c’est beau Belleville. Mais il n’y a pas que les Arabes, il y a les Juifs aussi. AP : J’allais surtout dans les cafés arabes pour la poudre. SG : Par racisme ? AP : Non. Mais je ne crois pas que les Juifs vendaient de la poudre. Tout est fermé maintenant. SG : Il y a eu une descente ? AP : Oui. Le quartier a été bouclé pendant plusieurs jours. SG : Alors, il faut changer de secteur. Je crois qu’a St-Germain, on peut en trouver. AP : Oui, mais c’est beaucoup moins flashant. SG : Tu devrais essayer rue Sainte-Anne. AP : J’y vais aussi souvent, mais pour d’autres raisons. SG : Vas-y en blouson de cuir. Ça plaît la-bas. Quel age as-tu ? AP : 27 ans. SG : Moi, j’ai vingt ans de mieux. A 27 ans, on a la vie devant soi. A 47, j’ai déjà fait une bonne partie du parcours. AP : Oui, mais tu as fait plein de trucs. Moi, je n’ai encore rien fait, ni film, ni disque, ni livre. En fait, je n’ai rien envie de faire. SG : Moi, non plus, je n’ai pas envie de me survivre. Enfin, on est a peu près d’accord… du moins sur ce point. Et dans la vie qu’est-ce que tu aimes le plus ? AP : Le rock, le sexe, la drogue, les épingles a nourrice et les lames de rasoir… SG : Le sexe, c’est important pour toi ? AP : Oui, j’aime toutes les formes de sexe « There is no kind of love better than other », dit Lou Reed. SG : Tu es marié ? AP : Oui, avec Dinah. Regarde, j’ai une alliance. SG : Vous avez des enfants ? AP : Non, c’est morphologiquement impossible. Tu sais, Dinah n’est pas tout a fait une femme. Enfin, c’est presque une femme ou peut-être plus qu’une femme. De plus, je ne pourrais pas m’occuper d’un enfant, j’ai déjà assez de mal a m’occuper de moi. SG : Et qu’est-ce que tu n’aimes pas ? AP : Le sport. SG : Et tu ne voudrais pas faire autre chose que du journalisme ? AP : J’aime ça le journalisme : capter l’instant. Un jour après, c’est fini.