
Patti Smith, John Cale (19/10/76)
PUNK PEOPLE IN PARIS
19 octobre. Ce n’est qu’en ayant vu Patti Smith aux Abattoirs de Paris que j’ai vraiment compris ce qu’elle a voulu dire par “Brussels ! This is my town.” Si les autres publics sont aussi apathiques que Paris, ce n’est pas bien difficile.
Sachez simplement qu’elle a dédié “Pumping (My Heart)” aux soldats de la Légion Étrangère et “My Generation” à John Cale, Nico et Jane Friedman, que l’unique rappel était un medley de “Land” et “My Generation” (sans John Cale). En première partie, John Cale et son groupe se montrèrent bien plus inspirés qu’à leur concert du Janson. Les musiciens jouaient mieux, les morceaux étaient mieux assimilés (en particulier ”Pablo Picasso”) et le grand John était plus extravagant que jamais : affublé d’un smoking sans chemise + noeud, haut-de-forme et dark glasses. Il n’a pas fait “Heartbreak Hotel”, mais un très lent ”Memphis Tennessee”, s’accompagnant au violon.21 octobre Patti Smith au Bus Palladium, concert très intime devant 400 personnes sélectionnées par l’heure (minuit) et le prix (50 FF). Pas mal de gens de business, aussi.
Le premier mot de Patti sera ”Brussels !” (quelques réactions — je n’étais donc pas le seul ?) “I knew you where here”. Son premier morceau sera un Smokey Robinson. C’aurait été une folie d’ailleurs de commencer par ”Real Good Time” dans ce club où nous avions oublié la notion d’espace vital. Elle fera un autre inédit, un morceau lent très early sixties, qu’on appellerait teenybopper s’il était chanté par un(e) autre.
Les ennuis ne manquaient pas, surtout avec les retours de scène (Patti ne s’entendait pas), ce qui n’empêcha pas le groupe de combler ses fans (au plus pur sens “fanatique” du mot). Si la première demi-heure déjà était très haute facture, la suite toucha du doigt mes rêves les plus secrets en matière de communication avec le public. Jamais, je crois, je n’ai eu autant l’impression de vivre un moment tellement réel et déjà légendaire à la fois. La cause en était une panne de courant. Nette. Plus moyen d’utiliser les amplis. Et ce fut la fête. Le happening. Croyant d’abord à une réparation rapide, Patti “occupa” le public en jouant du piano, de l’harmonica, de la batterie (mal), en chantant un vieux blues, faisant une parodie de strip-tease, chantant ”Let’s Twist Again” debout sur le piano, photographiant le public, dialoguant avec tout le monde, critiquant le club (il le méritait/je passe sur les détails). Bref : la barrière artiste/public était devenue plus vague que jamais, l’hystérie collective faisant place à une sorte d’amitié intense. J’allais oublier ce très impressionnant et long ”solo de batterie à six”, le groupe entier (plus Todd, le frangin de Patti) se déchaînant sur la batterie (Andy Paley, le remplaçant de DNV, vaut bien Jay Dee). Moe, le gros roadie dont le manque d’électricité était devenu le dernier des soucis, rigolait dans sa barbe.
Et pour finir, ce fut cette version de ”Gloria” dont le souvenir restera vivant jusqu’au dernier souffle du dernier survivant des Patti Smith lovers qui étaient ce jour-là au rendez-vous. Il n’y avait plus de spectateurs ; chaque membre du groupe, chaque personne dans l’assistance reprenait ce ”Gloria” mot pour mot, entièrement, adoptant toutes les intonations de Patti ; chacun chantait son âme. Patti Dupond nous quitta sur un très chaleureux ”Fuck Off”. A bientôt.
NB, opus 1. Signalons rapidement ”Ciao Manhattan”, ce film montrant Edie Sedgwick, la première modèle vedette de la Factory d’Andy Warhol, gâchis de pellicule peut-être intéressant au point de vue documentaire.
NB, opus 2. Dan Mc Crolle se fourre le doigt dans l’oeil jusqu’au coude : vous aurez plus de chance de remonter les chutes du Niagara en skis que de trouver actuellement Hey Joe à Paris.
NB, opus 3. Soyez prudents : d’après NME, ”Hard Nipples” (superbe pochette) et ”Turn it up” sont un seul et même enregistrement.
PS. Patti, I love you too…More n°12 (12/76)
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