+ Palais des glaces au 37 faubourg du temple à Paris (75010)
Organisation : Skydog
Grève d’électricité. Pas de métros ni de bus. Je me réveille assez tard. Je vais avec Yves en stop au Palais des Glaces ou doit avoir lieu le concert des Damned. Nous sommes là en début d’après-midi et nous assistons à tous les essais de son. Les Damned n’ont pas envie de faire d’interview, je passe donc mon après-midi à boire de la bière. Le concert commence avec Asphalt Jungle. Le groupe de Patrick Eudeline ne devait pas passer aujourd’hui, mais ils ont tenu à jouer, sans faire d’essais de son et c’est devant une salle aux trois quarts vide qu’ils jouent quelques morceaux. Leurs amplis sont restés bloqués en banlieue, ce qui explique la mauvaise qualité de leur performance, mais la prochaine fois, ce sera mieux. Ensuite, arrive Electric Callas, un groupe punk de Lyon dont c’est la première apparition à Paris. Le chanteur Jean-Gilles commence par enlever sa chemise et se lance dans un I wanna be your dog que Iggy ne désavouerait pas. Le groupe est assez compact, ils ont encore les cheveux longs pour la plupart, mais ça ne va pas durer. Leurs compositions personnelles sont très inspirées par le Velvet et vers la fin du set, Jean-Gilles saute carrément dans la salle. Quelques fans se précipitent vers lui pour le toucher puis il remonte sur scène : cheveux décolorés en blond clair et lunettes noires a la Warhol 1966. Ce groupe est excellent et si, a Lyon, ils sont tous comme ça, ça doit être pas triste. Après le concert, Yves et moi allons discuter avec eux. Je file à Jean-Gilles un badge des Pistols, il le mérite bien. Le groupe a une manageuse, Charlotte, délicieuse petite fille qui fait tout pour que les rapports entre ses protégés et les Damned soient les meilleurs du monde. Elle est brune et sa frange châtain lui cache les yeux. Charlotte, délicieuse groupie pour qui Lyon n’était pas assez grand et qui se lance a la conquête de Paris. Après un entracte, les Damned, qui ne sont pas un groupe radical comme les Clash. La politique ne les intéresse pas. C’est l’énergie qui est a la base de leur démarche, une énergie qui débouche sur une violence peu commune : « La violence a atteint un point de non-retour, déclare Brian James, il y a toujours eu de la violence, elle est partout où vous allez ! » Pourtant, les Damned n’appellent pas la violence, mais elle se manifeste quand même à presque tous leurs concerts. Au festival punk du Club 100, une jeune fille a eu un œil crevé par une chope de bière qui était destinée au chanteur du groupe. Il n’y a rien de plus agressif qu’un passage des Damned sur scène. Brian James (21 ans) a les joues creusées par des cicatrices, le batteur Rat Scabbies (19 ans) ressemble a un pilote de guerre derrière ses caisses et, comme Keith Moon des Who, démolit sa batterie a la fin du show. Le chanteur, Dave Vanian (19 ans) déclare : « Je pense que la violence a existé dans toutes les cultures, c’est par elle que les jeunes générations marquent leur rupture avec les anciennes. Notre musique est la plus violente parce que la plus intense. Nous aimons la Hate Energie. Je n’aurais pas été heureux dans un groupe psychédélique couvert de fleurs. Je suis intéressé par la vie d’aujourd’hui et elle est entièrement synthétique. » Dave Vanian (Transyl-vanian) vit chez ses parents : « L'ambiance y est oppressante, dit-il, mon père a été grièvement blessé dans un accident de voiture et, depuis, je passe mon temps a essayer de consoler ma mère. » Brian James, lui, a quitté ses parents depuis longtemps pour s’installer a Notting Hill, le quartier freaky de Londres. Son père réparait des bus et sa mère était claviste dans un journal. Rat Scabbies dit qu’il rentre chez ses parents une fois par mois pour prendre un bain. Captain Sensible est tellement nerveux quand il est dans sa famille qu’il préfère dormir dans les parcs. Les Damned sont tous issus de la classe ouvrière. Ce ne sont pas des petits-bourgeois comme les Sex Pistols. L’histoire du groupe est une des tranches de 1’histoire du punk rock britannique. Brian et Rat jouaient avec Mick Jones (Clash) et Tony James (Generation X) dans London SS, mais le groupe fut rapidement dissout a cause de mésententes internes. Brian et Rat durent se mettre en quête de nouveaux musiciens. Rat trouva Ray Burnes, dit Captain Sensible, avec qui il avait nettoyé les chiottes au Fairfield Hall. Le groupe s’est adjoint le journaliste Nick Kent et, sous le nom de Subterraneans, il a donné quelques concerts, mais tout n’allait pas pour le mieux avec Nick Kent qui jouait trop a la star. Ils étaient à la recherche d’un chanteur quand ils rencontrèrent Dave à un concert des Pistols au Nashville de Kensington. Celui-ci draguait une fille, il avait le col de sa veste relevé et beaucoup de maquillage. « C’est le chanteur qu’il nous faut ! » déclara Brian James. « Je ne suis pas chanteur mais guitariste! », répliqua Dave. « Tu n’es peut-être pas chanteur, mais tu as l’air d’un chanteur », lui répondit Brian. Ils répétèrent quatre semaines dans une église et donnèrent leur premier concert en juillet 76 en première partie des Pistols au Club 100. Et puis, ce fut le premier Festival Punk de Mont-de-Marsan où ils étaient le seul groupe possédant une énergie réellement punk. C’est là que Jack Riviera les vit et décida de les signer sur son label. A cette époque, Londres était balayé par l’explosion du punk rock : les gosses des banlieues coupaient leurs cheveux et déchiraient leurs t-shirts, les Buzzcock quittaient Manchester pour s’établir a Londres, le groupe Bazooka-Jo, spécialisé dans le rock fifties changeait son nom en Vibrators, le Bromley Contingent hantait tous les concerts et commençait a donner naissance a des groupes comme Siouxsie and the Banshees ou Subway Sect qui allaient tous se retrouver au premier Festival Punk londonien au club 100, en septembre 76. Les Damned sont un groupe à Haute Energie, comme les New York Dolls. Tout le monde a dit qu’ils ne savent pas jouer mais, en fait, i1 n’en est rien. Brian est un des meilleurs guitaristes actuellement et le jeu de Dave Vanian sur scène n’est pas sans rappeler celui d’Iggy Pop en 73, bien qu’il refuse cette influence. « La seule chose que j’ai entendue de lui, dit-il, est Raw Power, et ça m’a beaucoup marqué. » Pour Dave Vanian, le chanteur n’est pas le centre du groupe de rock, c’est le lead-guitar qui a le plus d’importance. « Quand j’ai été voir les Dolls, les gens regardaient plus Johnny Thunder que David Iohansen. » C’est Brian qui écrit toutes les chansons du groupe. Net, Neat, Neat, sur la difficulté d’être soi-même : « She can’t afford no gun at all/ She can’t afford no cannon/ She aint got no name to call. » Fan Club, sur la difficulté d’être star : « Well here I am/ Another one night stand/Don’t know why I’m sad/For my fan Club. » So messed up, sur la souffrance physique : « She’s so messed up, she don’t feel the pain/She’ll always feel the same/She don’t feel the pain/She ain’t even got no brain. » Stab yore bak, encore une incitation à la violence. One of the two, sur le masochisme. New Rose, une nouvelle montée d’énergie (et pas un nouvelle rose comme on l’a laissé croire dans certaines mauvaises traduction). See her tonight, sur la scène rock. Born to Kill, sur l’envie de tuer. Sick of bein’sick, sur l’envie d’avoir du plaisir. Alain Pacadis « Un jeune homme chic »
[ Sur le front : Alain Pacadis. ]