
« Europe rock 80 » – 08/03/80
+ Pavillon Baltard au 12, avenue Victor Hugo à Nogent-sur-Marne (94130)
Avec : Bernard Lavilliers, Artefact, Suicide Roméo, Ruts, Casino Music et Starshooter

De tous les groupes français qui se sont produits sur la scène du Pavillon Baltard lors du Festival d’Europe n°1, c’est peut-être Starshooter qui avait la carte la plus difficile à jouer.
Acclamé par le gros du public rock lors de la sortie de leur premier album en plein boom Pistols, ils réussissent même à décrocher un Hit de taille « Betsy Party », leur second album bien qu’ayant dépassé les chiffres de ventes du premier s’est vu à l’époque dénigré par la critique. On leur reprochait de mettre de l’eau dans leur vin et, honte des hontes, de viser le grand public, celui des Sheila et autres Ringo. Après un premier Ip en forme de manifeste punk, un deuxième plus « ouvert », Starshooter achève actuellement l’enregistrement d’un troisième trente, que l’on annonce encore différent. Un son nouveau pour un nouveau public ? C’est la question que nous avons posée à Kent et Phil.
Kent : En fait, on ne vise pas un public particulier. Pour nous il n’y a pas de raison pour que les gens qui achètent Sheila ou Starshooter diffèrent, mais le public, on n’en sait pas grand chose. Si on en savait plus, on vendrait un tas de disques, un million en France et des tas d’autres ailleurs et on serait les Maîtres du Monde ! Mais ce n’est pas le cas, car le public, c’est une masse gélatineuse qui varie ses goûts selon on ne sait trop quoi. Qui pouvait prévoir que le disco s’écroulerait en deux mois ? Alors dire qu’on vise un nouveau public, c’est faux. On fait notre truc et c’est tout. Ensuite on verra ce qui arrivera ».
Phil : « Nous nous sentons aussi bien aujourd’hui après ce troisième album qu’après le second ou le premier. J’ai été l’autre jour nous voir dans le film « Saloperie de Rock’nRoll » et ce que j’y dis dans l’interview de nous à l’époque du second album, j’y croyais autant qu’à la nouvelle direction qu’on S’est donnée. De toutes façons, on ne pourrait pas refaire un troisième album comme le second ou le premier. Ce qui importe, c’est qu’à l’inverse d’un groupe comme Telephone qui reste assimilable à un son, à un sytle précis, nous n’avons justement pas de style particulier. Nous sommes des touche-à-tout qui prenons, tout de même, bien soin d’appliquer notre personnalité sur les divers genres que nous abordons.
D’abord, nous avons horreur de nous cantonner dans un truc, on aurait très bien pu enregistrer trois mêmes albums et faire plaisir à certains qui nous voyaient comme ça et pas autrement, mais ça nous
aurait fait chier. Et encore on se limite car si on s’écoutait on ferait de ces trucs ».
Kent : « Changer de style, c’est une chose qu’on pardonne plus facilement à un chanteur qu’à un groupe de rock. Quand Gainsbourg fait un album reggae, on dit c’est super, si nous on fait un 33 tours de Java, on dira c’est de la merde. Ca commence à bien faire qu’en France les medias appliquent aux gens une idée d’un rock bien précis et qu’en dehors de ça on n’accepte rien. Je ne vois pas pourquoi un groupe ne s’amènerait pas avec un truc complètement nouveau qui n’aurait rien à voir avec le rock et ne toucherait pas le public rock. On veut être ouvert à tout et ne pas nous définir par rapport à notre passé. Ce sont les médias qui toujours posent des barrières et finissent par te cloîtrer dans un truc précis. Pour nous ce n’est pas un problème que de se demander si çi ou ça ne va pas trop choquer, nous nous fions à nos goûts, ce qui nous branche et on laisse le public seul juge.
Si leur nouveau disque risque de surprendre, d’irriter, sachez que sur scène, Starshooter assure toujours un show dont la dose d’énergie avoisine ou dépasse mais jamais ne descend en dessous du degré d’ébullition. Ils restent un vrai groupe de rock dont la réhabilitation n’a que trop tardé.Gig n°5 (04/80)