
« Deuxième Souffle » (22 au 24/07/83)
Avec : Guilleton et Boses, Absinthe, Gamine, Edelweiss, Noë, Cosi, Pretty Boys, Compagnie Luba et l’Uzeste Musical Band
Avec : Illusion, Zzaj Rythm, Désert Sarahoui, Music Island-Club
Belvès (24)
Belvès sur rock
La pêche, mais pas toujours la foule
BELVÈS A CONNU ce week-end son deuxième festival de jazz-rock. Pendant deux nuits, les groupes se sont succédés. Parfois dans l’indifférence.
Les nuits ont été longues vendredi et samedi à Belvès. Trop longues souvent pour les exténués qui s’endormaient, repliés dans leur duvet, la tête à proximité des enceintes.
Le public, tiraillé entre les appels des marchands de frites, merguez, milk-shakes ou pâtés impériaux chinois et même fast food, trainait sa peine et son sac de couchage le long des stands éclairés par des lampions.
Vers où aller ? Qui écouter ?
À droite, un podium pour le rock, au centre le théâtre, à côté le jazz ou plus loin encore des montages audiovisuels ou défilent sur grands écrans. L’aérodrome du camp de César s’était morcelé pour plaire et proposer divers spectacles aux goûts de chacun. Du rock, du jazz, du jazz-rock, bien sûr, mais aussi du reggae, du tzigane, quelques instrumentistes issus du théâtre, du théâtre, du cirque, beaucoup de choc, mais pas franchement un public pour tout et c’est dommage, certains groupes en ont fait la cruelle expérience.
Parmi les visages maquillés de blanc ou pailletés des spectateurs, une grande majorité était venue pour la fête, mais pas forcément pour la musique.
Effet vitaminé garanti
Vendredi, vers 23 heures, Quartier Sud, des « jazz-veux » bordelais entament la nuit, ce qu’il est convenu d’appeler « du bon jazz ». Bonifiant leur époque un public chaud fait par la prestation jazztistique. Cheveux longs et musique carrée, le cocktail a des côtés un rock américain des années 60, mi-lourd, mi-hard, effet vitaminé garanti.
Bien plus tard dans la soirée, hors le concert de Wamps Irrésistible, spectacle magique belge, c’est la fin, le plus possible de tenir le coup, écroulement inévitable. Rendez-vous au lendemain dans l’après-midi :
Guilleton et Boses, à chanson française, anime alors le marché de Belvès alors que l’aérodrome joue les tremplins et accueille des groupes de dur parmi lesquels Abstinh, qui a eu la malchance de se produire à une heure où personne n’écoute.
Et pourtant, ce tout jeune groupe, de concert en concert, ne fait que confirmer son talent, à l’image de son batteur qui, à 16 ans, réunit dans son jeu tout l’authenticité du rock’n roll.
Pretty-Boys, les Périgordecers ayant déserté la scène, le binaire a continué de sonner avec Gamine. Pauvre Gamine !
Ce groupe bordelais, composé de deux guitaristes, un batteur et un bassiste, représente actuellement ce qui se fait de mieux sur la scène régionale; énergie, mélodie, et véritable chanteur. Tout était en place pour emporter le morceau lors de ce festival et pourtant, rien. Pas une réaction.
50 babas enduvettés, couchés à 100 mètres de la scène n’ont pas su remuer un orteil en rythme.
C’est à se demander si la Dordogne a appris à reconnaître le véritable rock. Pas un applaudissement, pas un rappel alors que la qualité et la pêche étaient envahissantes. Quelques « félés », au nombre de trois ou quatre avaient osé s’approcher au risque de se faire mordre par le chanteur, allant même jusqu’à onduler du bassin, quelle audace !
À noter, la qualité exceptionnelle du son, malgré une tendance fâcheuse à faire virer la balance au-delà d’une heure. De quoi refroidir n’importe qui.
Un peu long
Edelweiss a pris le relais. Du rock ? Sûrement pas, du jazz-rock plus volontiers. Les musiciens d’Edelweiss sont, sans contexte, d’excellents techniciens, mais la bretelle n’est pas une de leur qualité essentielle. Une grosse surprise toutefois lorsqu’ils ont présenté un morceau qualifié de « rock », le saxo déchiré et pleurnic-hard avait des accents à la James Chance et la rythmique chaude et bronzée, secouait tout ça de façon très agréable.
Place à Noé, toujours du jazz-rock, puis plus tard, vers deux heures du matin Cosi, funkie terrassonnaise et périgourdine, apparemment le groupe fétiche du festival. Ils étaient déjà là l’année dernière. Leur musique plus en place techniquement a perdu en énergie.
Est-ce dû à leur horaire de passage, ou ont-ils déjà vieilli ? En tout cas, c’est bien la première fois que l’on a pu voir un guitariste bailler en jouant alors que son acolyte plaquait des accords, tranquillement assis sur une chaise.
Il y avait du monde sur le podium; deux guitaristes, deux saxos, un bassiste, un batteur, un percussionniste et un chanteur dont l’Inspecteur Jacques Pastel, l’ex-animateur de Marquis de Sade, nettement plus marqué que l’année dernière, s’est tout à fait atténué.
Bonne volonté
Luba Compagnie et Uzeste-Musical-Band ont clôturé la nuit. Guest stars que le public attendait avant toute chose.
Ce festival, organisé avec le soutien de la Direction de la jeunesse et des sports et des associations du village, est un gros morceau de l’animation belvésoise. L’idée, très généreuse, permet de se rendre compte des difficultés de réalisation de ce type de festivités et il faut souligner la bonne volonté évidente des organisateurs, ainsi que leur ouverture d’esprit.
Le deuxième souffle belvésois peut respirer à nouveau, ce fut un réussite, même si on attendait un peu plus de monde. L’idée fait son chemin et germe lentement dans les esprits. Belvès aura un jour son festival de jazz et de rock digne de figurer parmi les plus grands.
Valérie DEJEAN – Sud Ouest