Un dossier aussi rocambolesque qu'inhabituel s'ouvre aujourd'hui devant les assises de la Haute-Garonne. Tout dans cette affaire est hors norme. D'abord, ce « casse » du siècle commis au siège de la Brinks à Toulouse, le 27 avril 1988, a permis à une équipe de braqueurs de rafler 13 millions de francs (1.8 885,000€), selon un scénario digne d'un polar. Un butin colossal dont seul une infime partie a été retrouvée. Ensuite, ce dossier, au terme de pérégrinations judiciaires également rocambolesques, arrive plus de seize ans après les faits devant une cour d'assises. Et encore, seuls des seconds couteaux, tous libres, comparaîtront durant cette semaine d'audience. Les principaux auteurs sont soit morts, soit en cavale.
À l'époque, ces braqueurs avaient minutieusement préparé leur coup. Une logistique sans faille : des uniformes de gendarmes fabriqués, deux Renault 4L maquillés en véhicules de gendarmerie, des talkies-walkies, plusieurs véhicules relais, un entrepôt loué à Plaisance-du-Touch et bien sûr des armes. Dans la soirée du 26 avril 1988, deux malfaiteurs encagoulés surprenaient un employé de la Brink's à son domicile dans le quartier Côte-Pavée. Au même moment, l'un de ses collègues de la Brinks recevait la visite de deux faux gendarmes, chez lui route d'Espagne. Braqués et menottés, les deux convoyeurs et leurs épouses étaient conduits dans le hangar de Plaisance-du-Touch. Délestés de leurs jeux de clefs professionnels, les deux otages étaient interrogés toute la nuit pour livrer toutes les procédures de sécurité du dépôt Brink's, rue Ferdinand-Lassalle, où le commando les conduisait au petit matin du 27 avril. Lesté d'une ceinture d'explosifs, l'un des employés otages était contraint d'entrer dans le dépôt pour neutraliser les alarmes et faciliter l'entrée des braqueurs. Dehors, des faux gendarmes avec leurs 4L bleues faisaient le guet. Très vite, les employés de la Brinks présents ou arrivant dans le dépôt étaient violemment maîtrisés et enfermés dans une pièce. Les casseurs pillaient les coffres et disparaissaient à 8 heures du matin, abandonnant leurs otages ligotés derrière un entrepôt. Les policiers du SRPJ de Toulouse, chargés de l'enquête, débutaient leur traque. Le 31 août, ils interpellaient les premiers suspects : Muriel Guinet et Nicole Blanc. Puis, le lendemain, José Gomez y Martin, après une fusillade au péage de Lalande. Cet ancien de l'ETA reconverti dans le banditisme était considéré comme le cerveau du « casse ». D'autres comparses étaient arrêtés à Bordeaux mais aussi Didier Bacheré près de Barcelone. L'année suivante, Philippe Rose était aussi arrêté en Espagne. D'autres interpellations étaient réalisées au Luxembourg et en France. Les principaux suspects incarcérés étaient remis en liberté trois ans plus tard par la cour d'appel de Toulouse estimant « le délai raisonnable » de détention dépassé… Toxicomanes, la plupart sont aujourd'hui décédés, emportant dans leur tombe le destin secret du fabuleux butin. Seul 1 million de francs a été retrouvé au hasard des perquisitions. L'un des chefs du gang, Gilles Bertin, sait peut-être où est passée cette fortune. Mais sa trace a été perdue en 1988 à Barcelone et il y a peu de chance qu'il se rende ce matin aux assises où il est pourtant convoqué. Le Dépêche