
Vulgaire Plagiat
(23) // 1980 – ? // Punk
- : Gladysentrie (chant), Haine (basse).

« Vulgaire Plagiat »
Le punk creusois…Ils ont entre 17 et 20 ans. Ils s’appellent Haine, Gladysentrie, Raide, Picole et Françoise (pour la « provoc »). A tous les cinq, ils forment « Vulgaire Plagiat », « le » groupe punk de la Creuse, un département rural de 146.000 habitants.
Ils sont ensemble depuis 1980. « Nous nous sommes rencontrés et le rock est né », lâche, bière à la main, Haine, 20 ans (basse). A ses côtés, sa compagne, Gladysentrie (chant), cheveux coupés courts sur le devant, les tempes barrées de trois traits de peinture verts, blancs et rouges, ne quitte pas un instant du regard Mélodie, leur petite fille, âgée de trois mois et demi. Pendant la conversation, Gladys et Haine — le crâne soigneusement rasé en plusieurs endroits, vêtus de cuir et de jeans noirs — ne cesseront de s’occuper de l’enfant. La petite fille a été ainsi baptisée en hommage à « Melody Nelson », le personnage chanté par Serge Gainsbourg. Ce dernier est d’ailleurs souvent pointé comme référence : « Un grand bonhomme », de l’avis de tous.
UNE RÉPUTATION SULFUREUSE
« Vulgaire Plagiat » vient d’être engagé par Radio La Creuse, une des 13 stations décentralisées de Radio-France, pour animer la soirée de leur premier anniversaire (cachet : 1.000 F). Ils font partie d’une affiche qui comprend en outre un orchestre de bal, un chanteur local et un comédien du terroir.
Ils ont donné leur premier concert à Paris au profit d’une radio libre, « Radio Tomate ». La soirée s’est soldée par l’intervention des policiers. « Ils nous ont chassés à coups de pompes dans les jambes. Depuis, nous traînons derrière nous une réputation sulfureuse. »
« Vulgaire Plagiat » n’est pas tout à fait inconnu. Ils ont été invités le 23 mars derniers aux « Choses de la vie », l’émission d’Alain de Sédouy, où ils avaient rencontré M. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Recherche et de l’Industrie.
Leur univers : « Les B.D. et les polars. » Haine affirme posséder plus de 3.000 romans policiers. Un maître : Léo Malet. Ils n’aiment pas être qualifiés de « punks ». « En fait, déclare, méprisant, Haine, les punks d’aujourd’hui sont les babas-cools d’hier. Ils se sont seulement fait couper les cheveux. Nous sommes individualistes. Nous ne voulons pas être enfermés dans une catégorie. »
La Creuse compte 146.000 habitants. La préfecture, Guéret, en a 16.000. Aubusson est la seule autre ville. Environ 50 % de la population a plus de 55 ans. Leur description de la vie provinciale ne souffre pas les demi-mesures : « Il n’y a pas de salles pour les concerts. Les gens ne veulent pas payer. La culture, c’est les bals du samedi soir et Louis de Funès, et encore… »
« Le problème dans le département, c’est que les possibilités de concerts sont vite épuisées. » Avec une douzaine de concerts derrière eux, ils estiment en avoir fait le tour.
« Il ne faut pas saturer », confie le bassiste. De plus, « Vulgaire Plagiat » a pour « spécialité » de « pirater les concerts des autres ». Le processus est le suivant : « Nous arrivons dans une salle où nous proposons de jouer gratuitement. Au bout de cinq minutes, la salle est vide. »
« TROP NUL »
Ce genre de propositions ne va pas sans provoquer des incidents, les danseurs préférant de loin le style Horner à l’adrénaline punk. Les musiciens ont dû à plusieurs reprises faire le coup de poing pour pouvoir poursuivre leur show.
Pour survivre, Picole taille des pierres de cheminée : son père est artisan. Haine vient de travailler pendant quatre mois comme régisseur de M.J.C.
Le père du batteur est cardiologue : « Pas trop de problèmes là », lui. Gladys, diplômée d’une école de graphisme, « va travailler dans la pub » à la rentrée.
Le groupe ne veut pas faire de disque. Il y a un an, le groupe a cependant fait une maquette. Douze heures d’enregistrement… autant pour le mixage. Ils ne veulent pas montrer le résultat : « Trop nul », commentent-ils sans complaisance. Ils envisagent éventuellement une autoproduction. Passé le temps des premières provocations, « Vulgaire Plagiat » a décidé de progresser. Dernière pirouette : ils assurent maintenant vouloir « faire une musique nouvelle, plus subtile, voilà la vraie provocation ».