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Nina KuSS « Dallas »

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Couverture du catalogue « Dallas ». Peinture de Nina Kuss / Archive : David Euthanasie
1985.05-Childress-City-n11-Presse-1904-1024x493 Nina KuSS "Dallas"
City n°11 (05/85) / Archive : David Euthanasie
Lucrate-milk-1986-12-Actuel-86-p80-753x1024 Nina KuSS "Dallas"
Actuel n°86 (12/86) / Archive : David Euthanasie

Nina Childress. Vingt-quatre ans. Chanteuse punk du groupe Lucrate Milk pendant quatre ans. 77-81. Concerts dans les squatts, les clubs de Berlin, le Musée d’Art Moderne, un scandale, Refrain connu : I love you, fuck off ! Laisse tomber le punk pour la peinture, vire au psychédélisme.
Tous les matins, Nina se lève à sept heures et pédale dare-dare à son atelier. Ne lâche plus le pinceau, téléphone coupé. Elle m’explique : « Je vais à l’essentiel ; je soigne mon karma. Résultat : je deviens hyperproductive. Avant je suivais, je voulais toujours être ce que je n’étais pas. J’ai compris que c’est pas en singeant les groupes punks que J’arriverai à ce résultat. À quatorze ans, je disais à ma mère : « J’aimerais bien être peintre, mais C’est trop dur : alors je serai psychanalyste. »
Dans sa peinture, Nina brasse tout, ne néglige aucune influence, puise dans toute sa culture y compris scientifique. Elle déboîte sans arrêt de la figuration à l’abstraction, du conceptuel au cinétisme. « J’adore calculer des tableaux à la machine, noircir des pages d’esquisses avec des chiffres, des règles de trois, etc. J’ai élaboré une théorie sur la couleur : gris égale marron égale kaki égale vermillon. Ça paraît débile comme tout ce que je fais, mais c’est un gag sérieux. »
OK. Nina fonctionne en franc-tireur. Elle nie ses instincts grégaires passés et piétine les écoles. Mais alors, pourquoi s’est-elle acoquinée avec les Ripoulins, cette célèbre bande de sept jeunes peintres parisiens chahuteurs ? Manque de confiance en soi ? Peur de ne pas assurer toute seule ? Pas du tout !
« Les Ripoulins, je m’’entends bien avec eux, ils sont stimulants. Je peux pas traîner avec des gens qui flippent. Ça déteint trop vite. J’ai décidé de plus me faire chier avec les pleurnicheurs. Je ne vais pas passer ma vie à remonter le moral des autres ; je ne suis pas le SAMU. »
Je cherche des failles : « Tu as toujours eu le baromètre coincé au dessus de zéro, positif à cent pour cent ?
— Non, j’ai fait une fois une dépression nerveuse à cause d’un type.
— Ça a duré longtemps ?
— Trois jours. L’horreur !
— C’est rien trois jours !
— Je sais. Mais d’habitude ça ne m’arrive jamais. »
J’enfonce la chignole plus profond : « Et de toi, tu ne doutes jamais ?
— Je sais pas si ça a un rapport, mais j’ai découvert que j’avais la même figure astrale que Napoléon : lion et buffle ! »
Je lui braque ma lampe de bureau sur le minois : « Tes ambitions, vite !
— Je rêve d’être la première femme peintre invitée chez Drucker. En star, pas comme le pauvre César qui traîne ses cinquante balais et plus. »
Bon sang : Nina Childress a monté sa volonté sur gyroscope. Le navire file droit sur un cap précis. Je commence à me demander si je ne suis pas un canard boiteux. Se poser des questions d’identité ! S’inquiéter sur notre époque ! Qu’en disent-ils, tous mes frères positifs à mort ? Tchernobyl, la guerre des étoiles, ça leur dit quoi ?
Il me faut un jeune patron moderne. Un rusé. Le squatter qui a installé ses pénates sur un secteur pas encore défriché.

Actuel n°86 (12/86)

Lucrate-milk-1982.05-Actuel-n31-page111-1024x830 Nina KuSS "Dallas"
Actuel n°31 (05/82) / Photo : Michel Maïofiss / Archive : David Euthanasie

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