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Quand les enfants du rock se mettent à table…

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Nouvelle République du Centre (13/12/84) / Article : Christian Bonnin / Collection : Jopeck / Numérisation par David Euthanasie

FLORAISON DE GROUPES EN LOIR-ET-CHER
Quand les enfants du rock se mettent à table…

« Danse à deux ou quatre temps sur un rythme très marqué », vous dira laconiquement le Petit Robert… Mais le rock’n roll, c’est aussi et peut-être avant tout un état d’esprit qui est très honorablement perpétué dans notre département par une quinzaine de groupes ; en vrac et en en oubliant : Kidnap, Toxik et Disturb pour le punk ; Mistery Train pour le hillbilly, mais aussi Three Time Loser (pub rock) ; Pregnant Virgin, Ponce-Pilate (Hard) ; Club des Cinq (new wave), ou Bétail Hurlant, Ilceberg, Made in France et Contact (rock tout court).
Attention à l’orthographe, gaffe aux étiquettes ! Pour une discussion souvent animée et surtout très spontanée, plusieurs membres de ces « combos » sont venus l’autre soir dans nos locaux dérouler leurs motivations, et expliquer leur passion ; Claude Choplin posant d’entrée les bonnes questions, les enfants du rock, lâchant pour un moment le manche de leurs guitares, se sont rapidement mis à table…

Ces « Kids » que vous croisez avec un brin de curiosité dans la rue, apercevez vaguement sur les affiches, ou au rebours allez voir en concert, qui sont-ils ? Difficile d’en dessiner un profil aux contours péremptoires et nets : Stéphane (21 ans), guitariste de « 3.T.L. », a une formation de cuisinier ; Fabrice (20 ans), bassiste de « Kidnap » a déjà travaillé aux P.T.T., mais tous deux sont pour le moment au
Chômage, de même que Michel, 22 ans.
Fredo, 19 ans, le chanteur de « Kidnap », fait une terminale, et donne des tuyaux le weekend
à Franck, même âge, qui prépare le bac par correspondance, quand il n’est pas à ses baguettes. D’autres sont déjà insérés dans le monde du travail, tels Thierry, 25 ans (l’harmoniciste de «3.T.L. »), Brigitte, 20 ans, caissière de Supermarché et secrétaire de l’association « Ripost », ou Patrick
qui a trouvé une place dans une grande surface. Denis, 20 ans, fait quant à lui de sérieuses études de gestion.
Mais leur vie professionnelle, ils ne la considèrent à la vérité qu’en pointillé : leur hobby à eux, c’est la musique et le rock’n’roll, qui prend tout leur temps, quand ce n’est pas l’intégralité de leurs économies : ainsi, Franck a travaillé en usine pour se payer sa batterie, Thierry a ramassé des poubelles sur le parking d’Amboise pour acheter sa première guitare; dans le même temps, Nicolas (22 ans), très économe, troquant le contenu de sa tirelire pour une «six cordes ». D’autres ont eu plus de chance,
tel Michel, qui s’est vu offrir une « classique » pour un Noël.
Au commencement, le déclic…
Pour beaucoup, le lycée des Provinces se posa en creuset de leur passion Ainsi Stéphane, à l’époque des cours de récréation de troisième, « tomba » sur un disque de « Doctor Feelgood » : il ne s’est jamais remis de cette première écoute, et à la force du poignet, est parvenu en septembre dernier
à « faire le boeuf » avec son mentor Wilko Johnson sur scène à Vendôme. Le lendemain, il se mariait avec Valérie, qui aide maintenant à ranger le matériel à la fin des concerts. Rude week-end !
Mis à part Fredo, qui a tâté du conservatoire en pratiquant le saxophone, tous sont autodidactes.
Nicolas par exemple, s’est «greffé» à « Kidnap » sans rien connaître au départ à la musique, seulement parce qu’il avait ses meilleurs copains dans ce milieu. Tel est le cas également de Patrick (« Bétail
Hurlant »), un transfuge.… du R.C. Blois ! «Comme ça au moins, dit-il, je n’ai plus à souffrir de contusions le lundi matin au boulot ». Thierry, enfin, qui « grattait » en solitaire dans sa chambre, passa carrément une petite annonce (« Qui aime le rock à Blois ?»), il y a six ans. Depuis, comme il se plaît à le répéter, il est «connu comme le loup blanc »…
On l’aura compris, le noyau des « musicos » est particulièrement soudé à Blois et dans le Loir-et-Cher : point de futiles querelles de genre ou de look. Les punks. dansent sur du rythme and blues, on se prête le matériel, et chaque soir de concert est une véritable fête.
Jean-Christophe, 22 ans, prouve sa venue à Blois que cette ambiance est excellente. A Lyon, il avait entendu parler de « Kidnap » et de la scène loir-et-chérienne. Il n’est pas reparti depuis, et aspire à monter un groupe avec Franck. « Même si l’on est un peu juste, on peut avoir à Blois la chance de monter sur une scène, confie Thierry, et inévitablement progresser ».

Pour le plaisir pas pour l’argent
Malgré leur renom et les nombreux concerts déjà donnés, on ne peut pas dire que les groupes loir-et-Chériens vivent de leur musique, loin s’en faut. Le record: en la matière est détenu par les « 3 T.L. » qui ont, une fois, partagé un cachet de 1.000 F en trois parts.
« Pour le reste, poursuit Stéphane, « on nous rembourse nos frais de déplacement, on nous donne à boire et à manger, ça s’arrête là ». Excepté Thierry qui fait environ deux bals par mois qui lui rapportent
environ 500 F, aucun ne peut prétendre à de véritables ressources grâce à son activité musicale.
Et pourtant, tous aspirent un jour à rentabiliser leurs efforts : les « Kidnap », par exemple, qui figurent sur de nombreuses compilations à vocation internationale, sont écoutés dans toute l’Europe et même outre-Atlantique, et sont invités à aller jouer en Pologne, tandis que les « 3.T.L. » devraient se rendre en Angleterre pour y assurer les premières parties de Wilko Johnson. A l’évidence, ces déplacements, s’ils peuvent être conclus, vont entraîner de gros frais et venir s’ajouter à l’argent déjà investi dans le matériel. Les groupes locaux ont du talent, certes, mais un manque de moyens assurément désarmant.…..
A l’heure des voeux…
Les problèmes commencent dès le stade des répétitions. En milieu urbain, les décibels s’avèrent irritants, et la municipalité (la question a été préalablement posée) n’a malheureusement pas d’endroits à proposer. D’où des superfétatoires déplacements en campagne, et des vocations parfois brisées. Par contre, nos interlocuteurs semblent satisfaits de la salle Dupré, autant par l’acoustique que par la modicité de la location.
On casse une corde ? « ll faut pratiquement se rendre à Orléans ou à Tours pour la remplacer », dit Stéphane. Thierry ajouté désabusé : « Récemment, je voulais acheter un harmonica en tonalité de
do, on m’a servi un ré, parce que la vendeuse ne connaissait visiblement rien du symbolisme musical anglosaxon ». Vous avez dit incompétence ? « Que même, lâche véhémentement Patrick, on voudrait
que la municipalité se rende compte que nos concerts attirent du monde. Tout s’y passe bien, et il faut
rejeter d’emblée ces clichés éculés de bagarres. Tout se déroule au contraire dans une excellente ambiance, et le moindre fauteur de trouble se retrouverait illico à la porte ». Puis, s’adressant par notre canal au public potentiel : « Qu’ils viennent au moins une fois nous voir, qu’ils ne vivent plus sur des images stéréotypées ! »
A l’heure des voeux, les avis étaient unanimement conjugués : côté musiciens, vivre de sa musique ; côté associations, organiser plus de concerts, presser plus de disques. Vu la détermination de tous, le Loiret-Cher du rock’n roll a encore ses plus belles pages à nous écrire

Ch. BONNIN.

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