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« Rockin’Orléans » : un rêve rock perturbé par la technique (06 & 07/07/79)

Rockin’Orléans 79

Orléans, juillet 1979 — Ce week-end-là, la patinoire municipale, habituellement glacée, se transforme pour la première fois en terre de feu électrique. Ils étaient nombreux, jeunes et moins jeunes, venus de toute la région Centre pour ce pari fou : un festival rock en province, organisé de toutes pièces par une poignée de passionnés regroupés au sein de l’association Alpha. Deux jours, près de vingt groupes, et une ambition : prouver qu’Orléans pouvait rivaliser avec Paris et ses scènes mythiques.

1979.07.06-Affiche01-80-120-imprimee-Michel-Rose-Copie-683x1024 "Rockin'Orléans" : un rêve rock perturbé par la technique (06 & 07/07/79)
Affiche 80-120 imprimée / Collection : Michel Rose / Numérisation par David Euthanasie

Mais très vite, l’enthousiasme va devoir composer avec la réalité.

Dès le vendredi 6 juillet, l’ambiance est là. Trois groupes ouvrent le festival : Cap Horn et son hard-rock sans concessions, Bill Baxter dans un registre rockabilly nostalgique, et la tête d’affiche Little Bob Story, saluée par un public réactif. La salle n’est pas encore pleine, mais le public, curieux et motivé, répond présent. L’accueil est chaleureux, le bar tourne à plein régime, les groupes se croisent dans les coulisses. Une atmosphère familiale, presque artisanale.

C’est une première : jamais un événement rock de cette envergure n’avait été tenté en région Centre. L’idée est simple : offrir à un public régional une alternative aux grandes scènes parisiennes. L’équipe d’Alpha, composée essentiellement de bénévoles, s’est démenée pendant quatre mois. Programmation éclectique, tremplin régional, contrats pour les lauréats, partenariat avec le Golf Drouot… tout a été pensé.

Mais ce que les organisateurs n’avaient pas prévu, c’est que la technique allait leur échapper.

1979.07.07-Affiche02-785-119-imprimee-Michel-Rose-Copie-1024x676 "Rockin'Orléans" : un rêve rock perturbé par la technique (06 & 07/07/79)
Affiche 78,5-119 imprimée / Collection : Michel Rose / Numérisation par David Euthanasie

Le samedi 7 juillet, dès le tremplin régional de l’après-midi, les ennuis commencent. La sonorisation fournie par une entreprise locale, choisie par souci d’ancrage régional, se révèle sous-dimensionnée. Parasites, coupures, balances bâclées… les groupes amateurs, venus parfois de loin, doivent jouer dans des conditions dégradées. Certains, comme Midnight Ramblers, ne peuvent tout simplement pas défendre leurs morceaux. Malgré cela, Drugstore (Evreux) l’emporte avec un set solide et original, tandis que Pirhana (Orléans), en activité depuis seulement trois mois, surprend par sa maturité scénique.

À la nuit tombée, la situation se complique. Les retards s’accumulent. La sonorisation est si mauvaise que les organisateurs décident, en urgence, de faire venir du matériel de Paris. Trop tard : les groupes doivent écourter leurs prestations, d’autres, comme les Ramblers (Allemagne), refusent purement et simplement de jouer. Les Count Bishops, pourtant attendus, sont annulés.

En coulisses, c’est la tension. Les managers négocient à la hâte l’ordre de passage, chacun voulant éviter de jouer devant une salle à moitié vide à 4h du matin. Les Dogs, eux, refusent de participer à la loterie et déclarent : « Peu importe l’heure, on jouera les derniers, on est les meilleurs. » À 5h du matin, ils montent enfin sur scène — et donnent raison à leur arrogance.

Ce n’était pas parfait. Loin de là. Mais Rockin’Orléans 79 restera comme un acte fondateur pour le rock en région Centre. Il y avait de l’énergie, des idées, un public motivé, et surtout une volonté rare de faire vivre la musique autrement qu’à Paris. Le bar backstage permettait aux fans de croiser les groupes, l’accueil des musiciens était soigné, l’hébergement et les campings prévus.

Seule l’infrastructure technique a fait défaut — et elle a coûté cher. Trois heures de retard cumulées, des artistes frustrés, un public fatigué… et pourtant debout jusqu’à l’aube. Ce public-là mérite un rendez-vous annuel. Reste à corriger les erreurs et à transformer l’essai.

La sonorisation avait été fournie par Hervé Chamborédon chez qui LSD répétait et Hervé Zénouda allait participer aux maquettes de Modern Guy dans le garage vésigondin.
Le groupe surprise mentionnée sur l’affiche aurait dû être… Sham 69, c’est ce que nous avait dit le camarade Dominique R., organisateur de ce festival orléanais.
Suite au vol de ma tête d’ampli marshall dans la nuit du 6 au 7 juillet au même endroit , j’étais assez énervé avant, pendant et après le concert, j’étais prêt à appliquer la charia à l’encontre de n’importe qui.

Tai Luc (La Souris Déglinguée)

06/07/79 : Cap Horn, Bill Baxter et Little Bob Story
07/07/79 : The Ramblers (DE – Annulé), Minuit Boulevard, Good Time Charley Band, La Souris Déglinguée, Suicide Romeo, Stinky Toys, les Dogs et Bishops (UK – Annulé)
07/07/79 Tremplin : Midnight Ramblers, Drugstore (1er), les Jaguars, Pirhana (second), Mickeynstein

+ Salle du Baron, boulevard Jean Jaurès à Orléans (45000)

Organisation : Alpha

1979.07.05-NRCO.CADPRErock-797x1024 "Rockin'Orléans" : un rêve rock perturbé par la technique (06 & 07/07/79)
Nouvelle République (05/07/79) / Collection : Archives départementales 37 / Numérisation par David Euthanasie

ROCKIN’ORLÉANS 79 : un réel événement

Après l’énorme réussite d’un concert de Ganafoul à Orléans, le 17 mars, quelques copains eurent l’idée d’organiser un festival, puisqu’il était démontré qu’il existait un grand public dans notre région. Depuis quatre mois, ils travaillent pour confirmer ce succès d’un soir, et n’ont ménagé ni leur peine ni leur temps. Au vu du programme, ce « Rockin’ Orléans 79 » s’annonce comme un des grands événements rock de cet été en France.
L’affiche est tellement copieuse qu’il a fallu étaler les prestations sur deux jours. Dès vendredi soir, la patinoire (sans glace !) sera ouverte à trois groupes, Bill Baxter et son rockabilly nostalgique, Little Bob Story (que l’on ne présente plus) et Cap Horn, une bande de joyeux tueurs expédiant un hard rock sans fioritures mais bougrement efficace si l’on en croît les Anglais qui ont pu les apprécier. Pour une mise en condition ce n’est déjà pas mal mais attention tout de même Il faut garder des forces pour une seconde journée carrément gigantesque.
Samedi, dès 13h30, débutera un tremplin rassemblant dix groupes de la région parmi lesquels Supplice et Rhana d’Orléans, Réminiscence de Bourges, Midnight Ramblers de Chatillon-sur-Indre, Kain Abel et Cie de Chinon et Haute Tension de Tours. Ces groupes se verront récompensés par de très nombreux prix (guitares, batterie) ainsi que par des contrats pour d’autres concerts dont l’un au Golf Drouot patronné par Papa Leproux.
L’échauffement terminé, un casse-croûte vite dévoré, on pourra s’attaquer au gros, très gros morceau de ce festival : Soirée de samedi.
Minuit Boulevard, les petits concurrents de Téléphone ouvriront le feu suivis de Suicide Roméo, ces punks romantiques dont on parle de plus en plus après deux grands concerts parisiens, dont l’un fut même retransmis par R.T.L. On retrouvera après cette nouvelle vague française Good Time Charley Band, ses flashes texans, ses bottes pointues et son vieux blues électrique. Juste le temps de se bercer dans un rockin’chair et arriveront les Ramblers, des Allemands qui se prennent pour de sales gosses anglais (punk sauvage garanti).
Mais ce ne sera pas fini pour autant puisqu’Orléans verra le grand retour sur scène des Stinky Toys qui après deux ans d’absence retrouvent le public.
Vite fait on signale que la Souris Déglinguée viendra faire un tour sur les planches avant que la patinoire ne résonne des notes des deux grandes vedettes de la nuit : les Dogs et Count Bischops.
Les premiers sévissent depuis plusieurs années dans la mythologie du rock Français. Ils ont décidé de sortir enfin de la pénombre. Qui s’en plaindrait ? Quant à Count Bischops, ils ont derrière eux une longue carrière de rockers endurcis dans tout le circuit anglais. Bonne nuit.

DETAILS D’ORGANISATION
LE PRIX DES PLACES est de 35F pour le premier jour et de 55F pour le second. Forfait pour tout le festival : 65F en location, 70 F sur place.
LOCATIONS. — Orléans : Disc 2000, Bauer, Temps Modernes, Orléans-Musique ; Tours : Music Lovers; Bourges : Boyer Musique ; Blois: Cyborg; Châteauroux : Durrêche.
Un bureau d’accueil servira à accueillir les groupes et à les diriger, à répondre à tout renseignement demandé par des spectateurs, a indiqué les 8 lieux de campings à Orléans, l’Auberge de la Jeunesse, les hôtels pas chers, les endroits de camping sauvage, etc…

LIEU DU FESTIVAL. — Complexe de la patinoire d’Orléans : 4.000 places et 400 places de parking.
POUR TOUT: RENSEIGNEMENT SUPPLEMENTAIRE : Contact, Dominique Revert, tél. (38) 53.65.98.

1979.07.09-NRCO.EADPRE-2-555x1024 "Rockin'Orléans" : un rêve rock perturbé par la technique (06 & 07/07/79)
Nouvelle République (09/07/79) / Collection : Archives départementales 37 / Numérisation par David Euthanasie
1979.07.10-NRCO.CADPRE-1024x685 "Rockin'Orléans" : un rêve rock perturbé par la technique (06 & 07/07/79)
Nouvelle République (10/07/79) / Article : Michel Embareck / Collection : Archives départementales 37 / Numérisation par David Euthanasie

AU FESTIVAL DE ROCK D’ORLEANS
Drugstore et Pirhana, révélations du tremplin régional

L’été rock a débuté le week-end dernier à la patinoire d’Orléans. On attendait peut-être trop de cette première estivale dont le bon déroulement fut contrarié par des ennuis de sonorisation. Toutefois, l’initiative d’un tremplin réservé aux groupes régionaux dans l’après-midi de samedi était une bonne initiative même si elle fut en partie gâchée par la technique mise à la disposition des jeunes musiciens.
Les organisateurs firent ce qu’ils purent pour sauver les meubles devant la succession des pannes mais certains, comme Midnight Ramblers de Châtillon-sur-Indre, ne purent défendre leurs chances dans des conditions idéales.
Vainqueur de ce tremplin, Drugstore (Evreux) l’emporta grâce à l’originalité de ses compositions et à une maîtrise instrumentale fort au point. Ironie du sort, le premier prix qu’ils se virent attribuer était une batterie alors que leur batteur habituel s’était tué la semaine précédente dans un accident de voiture.
Venus d’Auxerre, les Jaguars furent les seuls à qui le public demanda un rappel. Leur rock rétro fortement inspiré des Chaussettes Noires, Chats Sauvages et autres Pingouins était amusant et bien enlevé. Malheureusement, il semble bien que cette voie du revival ne présente pas de perspectives d’avenir évidentes. Ce fut un bon quart d’heure nostalgique tout de même.
Par contre, Pirhana (Orléans) qui coiffa sur le poteau Mickeystein (Nantes) pour la médaille de bronze, présenta trois morceaux bien construits et originaux grâce surtout à un chanteur-flûtiste étonnant. Ce groupe n’existe que depuis trois mois et possède déjà un répertoire et une maîtrise scénique convenables qui lui permettent de croire à une carrière peut-être brillante. Nous reviendrons ultérieurement, et en d’autres lieux, sur la soirée réservée aux groupes déjà connus.

Michel Embareck

1979.07.11-NRCO.HADPRE-918x1024 "Rockin'Orléans" : un rêve rock perturbé par la technique (06 & 07/07/79)
Nouvelle République (11/07/79) / Article : Michel Embareck / Collection : Archives départementales 37 / Numérisation par David Euthanasie

ROCKIN-ORLÉANS 79
LA JEUNE VAGUE DU ROCK À FRANÇAIS

Il fallut attendre longtemps, très longtemps, trop longtemps pour accueillir les Dogs, meilleur groupe du Rockin’Orléans 79. Les organisateurs avaient eu une idée intéressante (sur le papier) : confier un maximum de tâches à des entreprises de la région. Malheureusement, le sonorisateur choisi pour assurer une bonne technique s’avéra vite incapable de trouver un matériel convenant à une grande salle comme la patinoire. Il fallut donc faire venir de Paris une autre sonorisation en cours de festival.
Le retard accumulé par cette opération frisa parfois les cinq heures pour être finalement de trois heures en fin de spectacle. Ce fut tout de même beaucoup trop. Les groupes durent raccourcir leurs passages, certains comme les Ramblers (venus d’Allemagne) refusèrent de jouer dans de telles
conditions et la course entre groupes pour passer à une heure encore convenable. prit par moment des allures de western.
Alors que les organisateurs avaient réuni les managers en début de soirée. de véritables discussions de marchands de tapis s’engagèrent. Les Dogs, après avoir proposé un tirage au sort, se retirèrent devant certains refus, affirmant pour finir qu’ils se moquaient de passer les derniers, puisqu’ils étaient les meilleurs ! Leur volonté fut respectée et leur affirmation vérifiée.
Ceux qui attendirent 5 h du matin pour accueillir ces Chiens venus de Rouen ne regrettèrent pas leur fatigue. Non seulement Dominique, chanteur-guitariste, possède une voix et une technique éclatantes, mais ses deux acolytes ne sont pas de simples figurants. Hugues, le bassiste, débarrassé semble-t-il du trac qui l’habitait auparavant sur scène, soutient parfaitement le rythme d’enfer demandé par ce rock rapide et concis. Quant à Mimi, on comprit pourquoi il joue. avec des gants. C’est à n’en pas douter le meilleur batteur de rock français, puissant, souple, omniprésent. Les Dogs ont attendu des années avant de saisir leur chance. Aujourd’hui, cette persévérance est récompensée, si l’on en juge par l’ovation qu’ils
reçurent à l’aube et par le « merci » du public dansant d’un bout à l’autre de leur set.
On attendit aussi de ce festival la confirmation du talent de Suicide Roméo. Il est évident que le groupe parisien possède des idées nouvelles et un potentiel certain. Pourtant, jamais leur prestation ne décolla vraiment. Pour être véritablement apprécié, ce rock doit bénéficier de conditions d’écoute parfaites et d’une grande attention. Ce n’était pas évident ce soir-là.
J’aimerais revoir très rapidement Suicide Roméo qui demande certainement plusieurs écoutes. Pas convaincu, mais intéressé voilà l’impression qu’ils me laissèrent.
Enorme (bonne) surprise, en revanche, avec les Stinky Toys. Ce groupe précurseur avait quitté la scène il y a dix-huit mois après une succession d’échecs et un comportement parfois à la limite de l’odieux. On les a retrouvés régénérés avec une chanteuse qui ne se prend plus pour Laureen Baccall, et Jacno, guitariste-esthète, fin et précis.
Les Toys furent poussés trop vite au devant de l’actualité par l’avant-gardisme parisien. Ils faillirent y laisser leur talent, leur leur joie de jouer. Aujourd’hui encore, ils trainent derrière eux une réputation d’imposteurs qu’ils doivent démystifier.
Quelques concerts comme celui d’Orléans et ce sera chose faite. Grosse déception par contre avec Minuit Boulevard. lls ne méritent même pas l’étiquette de « sous-Téléphone » qu’ils se virent attribuer. Quant à Good Time Charly Band, dont l’inspiration vient du blues-rock du sud des Etats-Unis, il tourne en rond après avoir suscité de grands espoirs. Ce n’est pas en France qu’ils pourront trouver un public puisque leurs maîtres tels que Wet Willie ou Hydra y sont totalement inconnus.
Il faut enfin reparler de l’organisation du Rockin’ Orléans. S’il n’y avait eu l’incident de la sono dont les conséquences furent dramatiques pour le bon déroulement du festival, tout aurait été parfait. L’accueil était bien assuré (on pouvait même laisser son casque de moto dans un bureau), les musiciens bénéficiaient de pièces spacieuses peur se préparer, le public pouvait aller et venir très près de la scène et même rencontrer
les groupes dans un bar situé dans la patinoire. L’expérience doit être renouvelée à des dates peut-être différentes pour attirer un public pas encore en vacances.

Michel Embareck