Avec : Wayne County Band, Cherry Vanilla & Police, Generation X, Jam et Stinky Toys
+ Palais des glaces au 37 faubourg du temple à Paris (75010)
Organisation : Skydog – 35 frs
Première étape : La nuit Punk (28 mars). On allait enfin les voir a l’œuvre. Pour la première fois a Paris. Et organise par Skydog of course. On allait enfin voir ces mongoliens du rock qui font tant parler d'eux. Pensez donc, deux groupes américains, deux anglais et un français. Wayne County et Police, le nouveau groupe de Cherry Vanilla en provenance directe du Max's Kansas, Generation X et Jam quittant leur Nashvill et leur Roxy, Stinky Toys sortis tout droit de la station République. Ca s’annonçait bien, malgré les changements de dernière minute : Cherry Vanilla n'a pas pu être la (elle est malade ?) et Jam a remplacé les Vibrators initialement prévu. Le coup d'envoi devait être donné a 19 h et, suivant la bonne habitude française, Stinky Toys a commence vers 21 h. On aurait pu nous dire que Ia plupart des groupes avait été retardé par l'acheminement de leur matériel (tempête sur la Manche !). Mais ça encore c'est pas bien grave, on connait : Annulation et Attente ne sont-elles pas les deux mamelles des concerts français ? Non, l’inadmissible ce fut la sono. Stinky Toys sans basse, ni voix, Jam systématiquement amputé et pour Police et Génération X ce fut a peine mieux; seul Wayne County bénéficia d'un heureux hasard. Dommage !!! Pas mal de monde était au rendez-vous. Les panoplies étaient de sortie. Des lunettes prisunic a l'épingle a nourrice en passant par les bottines jaunes et les cravates, tout y était. Un vrai défilé. "Anarchy in the U.k." et ils sont déjà tous stéréotypés au départ. Ce n'est pas propre a ce public mais a tous les styles. Enfin c’est marrant a voir et puis ca fait de la conversation surtout quand on poireaute deux heures sous la neige (si I si I). On finit quand même par pénétrer dans ta salle. On prend les mèmes (sauf la neige) st on recommence. Les joints s'allument la bière coule, la fête peut commencer. C'est Stinky Toys qui ouvre le feu. J’avais beaucoup entendu parler d’eux sans pour autant les avoir jamais vu jouer. Mais j'ai l’impression que c‘est faire beaucoup de bruit pour pas grand-chose. D'accord la sono ne les a pas épargnés; la pauvre Elie avait la voix toute chevrotante et on n'a presque jamais pu entendre la basse. Mais ca vole bas tout du long ; ils ont du mal à tenir le rythme. Ils font quelques reprises dont "Hang on" de Bowie. Et encore je préfère ne pas parler d'"Under my Thumb" sinon je vais devenir grossier et je ne veux traumatiser personne. Mais, enfin, je veux bien croire qu'ils n’avaient pas envie de jouer sur une telle sono. Entracte ! Bonbons, caramels… Le cirque recommence. La concentration à l’avant-scène augmente irrésistiblement. Même entre les groupes, le spectacle continue. Ça tient de Barnum et de la cour des miracles, suivant le degré ou l'on place tout ce décorum : des travestis aux blousons de cuir en passant par la défonce. Second round : Jam. Une guitare, une basse, une batterie, des costards noirs, des mouvements saccadés et trois gars super speedés. Sur qu'ils ont du voir plus d’une fois Feelgood sur scène: c’est la première chose a laquelle on peut penser en les voyant. Mais malheureusement ce sont eux qui ont le plus souffert de la machine a régler le bruit. De la vraie marmelade, si je puis dire !Et cela rend difficile de porter un jugement sur ce qu'ils font. D'ailleurs ils essayèrent en vain de faire lever le public; même les insultes n'y firent rien. Ils eurent cependant droit a deux rappels plutôt tirés par les cheveux) : "Route 66" en premier, fut assez potable ; par contre "little queenie" fut méconnaissable et ça ce n'était pas du a la sono. Heureusement le changement de groupe se faisait assez rapidement. Juste le temps de remplacer la batterie et d'essayer sans succès d’améliorer le son. Mais le mec a la table de mixage devait être trop pété pour comprendre quelque chose a moins qu’il ait gardé ses boules quiés toute la soirée. Ce que je trouve inadmissible c'est qu’on ne nous disent jamais ce qui déconne: le public est la pour payer, un point c'est tout. Enfin c'est l'impression que l’on peut avoir. Renseignement pris, Skydog n'a pas pu avoir la sono qui lui avait été promise, et en catastrophe, "Shakin'Street" leur a passé la leur et personne n'était capable de bien s’en servir, galère, galère… Bon ! Revenons a nos punky sheep ! Troisième sur la liste, "Police". Police, c'est le nouveau groupe de Cherry Vanilla. Leur set fut peut-être un peu court, mais fut de loin le plus intéressant, des trois premiers groupes. Musique énergique et pas trop mal foutu, rythmes bien tenus, ils firent une assez bonne reprise d'"It's my life" des Animals. Peut-être que la présence de Cherry Vanilla rajoute un peu de piment a ce bon petit trio. Re-entracte. On va prendre l’air; on va prendre une bière. On essaye de retrouver Lenny Kaye que l'on a vu assis devant la scène pendant Police. A deux on arrive a lui mettre la main dessus. Patti ne peut toujours pas tourner a cause de sa vertèbre; elle espère pouvoir venir en Europe au début de l'été. Quand aux autres, ils répètent, histoire de garder la main, ou se baladent a l’image de Lenny. La-dessus on annonce Wayne County et je rejoins ma place. Quand Wayne County est sur scène, on voit tout de suite que ça va être le cirque. Maquillée, perruquée, poitrinée, bas résillée, on dirait une pute sortie d'un film de Fellini. Et tout son set est basé sur cette exagération de la vulgarité. Ce qu'il y a de bien c'est qu'a aucun moment il ne donne l'impression de se prendre au sérieux. D'ailleurs, méme qu'a la fin il se déshabille et qu'il se rhabille normalement (enfin presque). Et comme en plus le groupe qui est derrière lui touche sa caisse (a l’image du batteur), ce fut une bonne surprise. Ils ont joué leur morceau du Max's Kansas 76 et malheureusement "The last time" qu'ils ne purent sauver malgré l'aide de Lenny Kaye. Dernier groupe prévu au programme: Génération X. Un chouette nom pour un quator qui fit un set relativement bien enlevé, sans aucun temps morts et comme en plus ils se débrouillent pas trop mal avec leurs instruments, c'était potable. Mais seulement, voila, je n'ai pas aimé. J'ai horreur des mecs qui se prennent déjà pour des bêtes et ces mecs en sont un vibrant exemple. D'ailleurs ils n'ont pas voulu jouer qu'a la condition express de passer en vedette, ce qui veut tout dire. Et ce n'est pas étonnant si les autres se sont foutus de leur gueule. Et ce petit blondinet me tape sur les nerfs… En conclusion, j’ai trouvé que les américains s'en sortent mieux que les british. Wayne County c'est pas mal ; c'est le genre de trucs qu'il faut voir au moins une fois quand on a le temps, mais sans plus. Quant a Skydog il faut qu'il fasse un peu plus attention car le public risque de déserter ses concerts. Je ne leur souhaite pas, parce que jusqu’à présent ils se sont toujours bien demmerdés pour nous offrir de bons concerts. Ludovic Olmi (Rock en Stock n°2)
« Nuit Punk » au Palais des Glaces. Pour l’occasion, Yves Adrien est revenu à Paris. Je le rencontre l’après-midi la l’Open-Market, où nous nous lançons dans une longue discussion avec Philippe Garrel : « Mon prochain film sera beaucoup plus commercial que les précédents. J’ai fait jouer une star, Maria Schneider, et le scenario est d’après une nouvelle de d’Annunzio, très accrocheur. I1 y a beaucoup de scènes de sexe, de violence, de drogue. On voit Marc Porel fumer de 1’opium, mais on a du le doubler pour cette scène. Avant j’avais beaucoup de scrupules, je voulais faire des films d’une qualité irréprochable. Mais aujourd’hui, je me retrouve sans argent et si, pour en gagner il faut montrer une fille à poil devant un drapeau nazi, je le ferai. » Lenny Kaye nous écoute d’une oreille attentive. Je ne sais pas s’i1 comprend le français ou s’il fait semblant de nous écouter par politesse. Toutes les demi-heures, Marc entre dans la pièce en nous annonçant qu’un groupe est arrivé. Je crois que le concert qu’il organise ce soir va être un grand succès. Le Palais des Glaces est un cinéma, mi-kitsch, mi-usé. Des battants de formica donnent accès a la salle. Sous la salle, un couloir conduit au minuscule backstage. C’est l’endroit que choisit Wayne County pour faire des photos. Dinah est dans la salle, elle me dit qu’elle habite désormais avec Marlène et qu’il vaut mieux ne plus se voir. Nous décidons d’un commun accord de divorcer. Je jette mon alliance, me revoilà célibataire. Pour fêter ça, Yves Adrien me paye un nombre assez colossal de bières et au bout d’une demi-heure je suis saoul comme un Polonais et peut-être même comme deux Polonais. Beaucoup de chevelus, de curieux. Tout Libé est la. Je ne sais pas s’ils aiment ce genre de musique ou s’ils sont venus uniquement pour me faire plaisir. I1 y a Géné, Thierry Haupais, Frédo, Bénédicte, Gilles Millet et Fogel. Un des roadies, Phil, porte un blouson de cuir où il a accroché une énorme croix de fer qu’il montre à ses copains en disant : « Je suis anti-communiste », ce qui fait flipper Fogel. Mais il flipperait encore plus s’il savait que ce punk-la a fait partie d’un groupe d’extrême gauche. Le concert commence avec les Stinky Toys. Le son n’est pas assez fort et on n’entend pas bien, mais la salle applaudit quand même. Les premiers rangs sont noyés sous la Valstar et, après le concert, Joël Le Bon va dire à Elli qu’il la trouve belle. Ensuite, c’est Jam. La bière commence a faire son effet et je suis a moitié endormi. Les Jam montent sur scène, habillés de stricts complets noirs, de chemises blanchies et de cravates sombres. Ils sont trois, Paul Weller chante, joue de la guitare solo et compose les morceaux du groupe. Il n’a que 18 ans. Bruce Foxton, le bassiste, est plus vieux, il a 21 ans. Rick Buckler, le batteur, a également 21 ans. Leur musique, un peu un mélange des Who à leurs débuts et des Small Faces. Ils ont un look très sixities et sont peut-être le seul groupe punk anglais a refuser toute influence américaine. Sur scène ils swinguent sec. Si leur apparence est celle des mods, les thèmes des Jam sont très contemporains. Paul s’est mis à la guitare à quatorze ans parce qu’il ne voulait pas aller travailler. Il parle de la jeunesse, de la haine et de la ville dans des morceaux aux titres évocateurs : In the City, Bricks and Mortar ou Takin’ my love. Ensuite, c’est Police qui joue à peu près les mêmes morceaux qu’a Londres, la semaine dernière, puis Wayne County and the Electric Chairs. Son show n’est pas aussi bien qu’au Roxy, elle ne change pas aussi souvent de vêtements. Pour le rappel, elle est rejointe sur scène par Lenny Kaye qui déclare au micro : « Patti Smith a eu un accident, mais bientôt elle sera rétablie. Elle aime Paris, elle vous aime tous et sera bientôt la. » Le groupe se lance alors dans une version assez époustouflante de The Last Time des Stones. Lenny plaque des accords directs et improvisés. Le critique rock new-yorkais rencontre le travelo de la même ville et cette jam-session n’est pas triste. Dans la salle, Dinah exulte, elle porte un collant jaune sale tout troué et un pull-over rosâtre qu’elle soulève jusqu’au cou pour montrer ses seins, elle applaudit a chacune des paroles de Wayne : « If you don’t want to fuck me, fuck off ! » Le dernier groupe de la soirée est Generation X. Ils commencent leur set en déclarant : « Yes, We are punks. » C’est eux qui ont inauguré le Roxy a Londres l’année dernière. Le chanteur, Billy Idol, faisait partie du Bromley Contingent, ce premier noyau de fans des Sex Pistols; il était venu avec eux lors de leur concert du Chalet du Lac. Aujourd’hui, il a les cheveux teints en blond a la limite du platine, taillés en brosse. Pendant qu’il se jette sur son micro, Tony James le bassiste saute dans tous les sens. Le guitariste Bob Andrew est super-mignon, il garde son cuir pendant qu’il joue et affiche une mine de gosse triste qu’on aurait envie de consoler. Billy Idol le regarde à peine, il prend les chorus avec Tony James et a l’air de se foutre du reste du groupe. Le batteur Mark Laff est assez insignifiant. Generation X a des morceaux très rapides qui expriment les problèmes des jeunes d’aujourd’hui : Your generation, Kleenex ou Day by day. Après le concert, il y a une party chez Isabelle Goldsmidt, dans un grand appartement de la rue Saint-André-des-Arts. Touts les musiciens qui ont joué ce soir sont là. Dinah, complètement défoncée au valium, monte sur une table de verre et la brise, ce qui fait flipper la propriétaire de l'appartement. François Wimille drague Billy Idol sans succès tandis que Joel Le Bon semble obtenir de meilleurs résultats avec Captain Capta. Le batteur de Wayne County n’a pas de chambre d’hôtel, je lui propose de venir dormir chez moi. Il s’appelle Chris Dust et, comme tous les punks, a les cheveux décolorés en blond clair. Nous parlons beaucoup de New York ou il est né, du Max’s ou il allait tous les soirs. Il est photographié sur la couverture du disque Live at Max’s et voudrait rencontrer des musiciens punks français. La « Nuit Punk » du Palais des Glaces marque une date importante dans l’histoire du mouvement en France. C’est la première fois qu’on peut voir autant de groupes punks dans la même soirée. Les spectateurs ont pu avoir un aperçu de toutes les tendances de ce nouveau mouvement musical. Alain Pacadis « Un jeune homme chic »
STINKY TOYS : Elli Medeiros (chant), Bruno Carone (guitare), Jacno (guitare), Albin Deriat (basse), Hervé Zénouda (batterie).
[ Sur le front : Alain Pacadis, Yves Adrien. ]