
Quand « J.A.M. Disques » fait la nique aux spécialistes chagrins »Microsillons Vouvrions

MICROSILLONS VOUVRILLONS : quand « J.A.M. Disques » fait la nique aux spécialistes chagrins »
Le havane (le gros) a un goût amer. C’est un requin qui me l’a dit. Un requin chagrin, persuadé qu’il fait partie d’une race en voie d’extermination. Sort injuste, ingratitude culturelle : papa Barclay voit le rose bonbon hollywoodien de son avenir s’assombrir. La galette de vinyl ne tourne plus rond. Elle ne gonfle plus celle des éditeurs de musique. Versons un pleur : la crise frappe même les mécènes modernes! Et
cherchons dans une autre voie la carrière qui pavera nos murs d’or massif. Celui des disques est par trop terni.
L’annonce du drame n’est sans doute pas arrivée jusqu’à Vouvray. Faisant fi des nuages qui s’amoncellent sur la profession discographique, des inconscientes ont chois la patrie du vin blanc pour se lancer dans la fabrication des galettes. A la manière de leurs voisins vignerons : « J.A.M. Disques » travaille dans l’artisanat. Ce qui n’enlève rien au produit : la galette, c’est bien connu, quand elle est bien faite, y’a du cœur dedans…PAR AMOUR DE LA MUSIQUE
Quand on leur demande pourquoi elles ont commencé, elles répondent : «parce qu’on aime la musique» . Quand on s’interroge de savoir pourquoi elles continuent, elles répondent : « parce qu’on aime les musiciens». Quand on s’inquiète de leur avenir, elles éclatent de rire.
Jacqueline Ameline et Michèle Blanchet n’en veulent pas aux consommateurs de gros cigares (voir plus haut) et ne se sentent pas coupables du péril qui les menace.
Née en novembre 8. la société a déjà pas mal d’enfants. Le premier s’appelle Alain Moisan.
C’est pour lui que l’on créa «JAM.» (Jacqueline-Alain-Michèle). « On l’a aidé à sortir son
premier disque». Alain faisait partie de la S.A.R.L. Il l’a quittée aujourd’hui (même s’il continue
à travailler avec elle). Restent deux dames pleines de bonne humeur qui s’aperçoivent qu’elles n’ont pas grand chose à raconter, puisque tout va bien : « Nous travaillons en amis. Ceux
qui ont enregistré avec nous, envoient leurs copains. On tire quelques milliers de disques à
chaque fois. Un distributeur se charge théoriquement de les proposer aux disquaires. Mais en
fait, il s’occupe surtout de ce qui «le branche ». Alors, on va faire notre distribution nous-même ».
C’est tout. On ne vit pas vraiment des bénéfices, mais c’est parce qu’on les réinvestit.
Excellente « impression »
Silence. Un coup de Vouvray. Cliquetis de verres. Qu’est-ce qu’on pourrait bien se raconter dans la chaleur de l’été, au fond d’un jardin ? Les chanteurs de « J.AM.» on les connaît. Moisan, ses grosses moustaches et sa grosse ambition : Moiziard, au grosse moustache et un passé de poète trop méconnu («On l’a rencontré en studio à Lyon. Il faisait une souscription pour son nouveau disque. On l’a ramené »). Poustis, qui chante tendrement pour les enfants et plus agressivement pour les adultes
« J.A.M. est une société qui exporte : Poustis est réunionnais. il vend beaucoup là-bas », les « Mickey », un groupe de Nantes, « Haute Tension » « C’est un bon groupe de rock, mais il faudrait qu’ils travaillent plus », etc.
Le «tube», ce fut «Jazz Impression». Un orchestre tourangeau qui a connu aussitôt les honneurs de la presse nationale.
Aujourd’hui, il tourne dans toute l’Europe, invité dans les grands festivals. Il prépare son prochain trente centimètres chez J.A.M.
Un petit coup de « galva »
Donc tout va bien. Que dire de plus ? Qu’un disque, naît dans la tête d’un monsieur qui fait de la musique. Que l’on cherche alors un studio d’enregistrement. Il y en à Angers, à Lyon, à Paris. Si le monsieur joue de la guitare, pas de problème. S’il est accompagné par un orchestre, (comme Marie-Céline, qui enregistre avec les musiciens de Lama et Aznavour), il faut des magnétophones avec plein de pistes. Ça coûte, pour neuf heures par jour, entre 3 et 7.000 F.
La bande va alors chez l’un des cinq ou six graveurs Français. Pour quelque 1.200 F, vous vous retrouvez avec «un père et une mère» (les deux faces d’un disque). Un petit coup de « galva » (galvanoplastie pour les ignares.) pour 800F et vous voilà avec une épreuve. Vous l’écoutez. Si cela vous plait, vous signez le «bon à tirer». C’est parti pour la grande série. Avec en gros 4F par disque (pas moins de 1.000 s.v.p. !), avec 7 ou 8.000 F de pochettes par millier, vous voilà capable de faire fortune ou de vous ruiner en faisant plaisir à vos – nombreux – amis.
Chez. J.A.M. on tire en général à quelque 3.000. Il en faudrait trois fois plus pour vraiment gagner de l’argent. L’avenir permettra sûrement d’atteindre ces chiffres, mais à Vouvray, ces dames s’en fichent un peu: « Si Sheila voulait enregistrer chez nous, on refuserait. Les « nouveaux » sont acceptés après consultation de ceux qui’ sont déjà dans la maison. Une « vedette » a déjà été refusée comme cela.
Par contre, une autre va peut-être signer avec nous. Mais c’est un secret ».
En attendant, le plus gros du boulot se passe à Paris: « Je connais la maison de la Radio par cœur», dit Jacqueline Ameline (Michèle Blanchet se charge surtout de la gestion). «Il y à des fois où j’aurais besoin d’un vélo pour parcourir les couloirs de la maison ronde ! ».
Blanfrancard, Foulquier, Villers, ont déjà passé du «J.A.M. ».
Les « périf » aussi. La télé regarde un peu dans la même direction. Papa Barclay tremble de
plus en plus…
Dans le salon de « La Bonne Dame » à Vouvray, les disques s’entassent. lis partent par colis vers les disquaires qui ne vendent pas que de la soupe. Ils doivent être plus nombreux qu’on ne pense : le 52.72.74. ne cesse pas de sonner…
Et puis, «J.A.M.» est quasiment cautionné par l’Etat : la maison édite les disques des éditions Van de Velde. Et les éditions Van de Velde travaillent avec l’Education Nationale…
Sheila n’y est pas encore arrivé !PATRICE DE SARRAN
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