
MANIFESTE DE LA PANTHERE ELECTRIQUE
En avril 1978, le « Manifeste de la Panthère Électrique » est réédité dans la revue Parapluie.
Signé par Yves Adrien, ce texte est une déclaration enflammée pour un rock radical et moderne.
Il proclame l’avènement d’une musique électrique, violente, tournée vers l’avenir.
Contre la récupération commerciale, Adrien rejette le conservatisme et les « dinosaures » du rock.
Ce manifeste avait d’abord été publié en 1973 dans Rock & Folk.
Il deviendra un texte fondateur pour la critique rock et la génération punk/new wave en France.
Auteur : Yves Adrien
Source : Parapluie, avril 1978, Collection : Fred Moulin, Numérisation par David Euthanasie.
Nom de fichier : 1978.04 Parapluie (Fred Moulin)PRE068.jpg / 1978.04 Parapluie (Fred Moulin)PRE070.jpg
MANIFESTE DE LA PANTHERE ELECTRIQUE
Le Rock était né, venu de ce Sud où une vieille tradition esclavagiste veut que l’ensemble d’arbitraires appelé « ordre moral » soit plus intimement qu’ailleurs lié à la légitimation d’un asservissement économique par lequel les classes dirigeantes tirent leurs profits des classes opprimées.
Le Rock était né, dig it, au cœur-même du fief réactionnaires. Et, en ce milieu des années 50, les villes amériKKKaines allaient s’embraser. Prodigieuse révélation que celle des trois accords et des mots crachés sur un tempo d’acier. Le cuir noir reflétait les feux d’une révolte qui, pour être naïve, irréfléchie et purement viscérale n’en représentait pas moins la plus séduisante alternative à cette KULTUHR de Mort instituée par le système techno-fasciste amériKKKain Partout où l’ennui, le désespoir, les réprepressions absurdes et silencieuses avaient déformé les enfances, brisé les rêves. façonné des esclaves; partout où la violence des pères avaient engendré la haine ou le mépris des fils; partout le Rock LIBERAIT, éclairant d’un jour nouveau la lutte qui se jouait dans les cités cancéreuses.
Et, la tête emplie de ce s sons frustres, nous découvrîmes le romantisme urbain. L’Electric Way of Life était né…..
Une musique d’inspiration Noire véhiculant une révolte Blanche ne pouvait laisser indifférente la négrière AmeriKKKe. Les religieuseries utilitaires du Country and Western souillées par les éjaculations du Dieu Rythme, cela représentait une MENACE pour le show-biz des protectiontions achetées. Véritable hymne à la sexualité balbutiante, le Rock’n’Roll chantait les retrouvailles du corps et de l’esprit. Il annonçait la faillite d’une éducation fondée sur la peur du Noir et témoignait des distances prises par la jeunesse blanche envers son héritage ségrégationniste: le système économique était en péril…
Censurer les hanches de Presley constitue le premier acte répressif qu’ait commis, un soir de 1956, la maffia du Dollar et des Col.Parker. Et l’on sait comment l’AmeriKKKе acheta une révolte à l’origine de laquelle on trouvait la nécessité plutôt que le plaisir… Issus en leur immense majorité du prolétariat ou de la très petite bourgeoisie sudiste les Rockers rêvaient du Big Time et de ses attributs flamboyants: cadillacs noires, costumes pailletés. C’est dans la mentalité primaire (le culte de la virilité détermine le comportement « Pionner », les transgressions homosexuelles des Angels relevant avant tout de la provocation) entretenue par un certain cinéma amériKKKain dédié (propagande, propagande) au mythe de l’ascension sociale que réside l’échec de la première Révolution Electrique. En. 1955, le Rock donnait au camionneurs de Memphis la chance d’échapper à la poussière des des chantiers. Et, pour beaucoup des types qui eurent 20 ans à cette époque, il fut l’objet d’une fascination assez proche de celle exercée par la pègre chicagoanne sur le jeune prolétariat des années 20 et 30. La récupération en devenait d’autant plus aisée pour l’AmeriKKKe agressée.
Le paravent de la violence tomba, Maladroitement, les camionneurs se changèrent en stars et rachetèrent les villas de leurs aînés d’Hollywood. Et, si les Rockers noirs évoluèrent assez remarquablement (Little Richard garda sa folie, Bo Diddley son arrogance et Chuck Berry son ironie), il n’en alla pas de même des Blancs: certains moururent, d’autres moins inspirés découvrirent le Nevada, une terre où fleurissent les casinos…
Métamorphose provisoire d’une lutte de de classes en conflit de générations, la première Rock Révolution est une monstrueuse et fascinante caricature des ambiguïtés dont hériteront, 10 ans plus tard, les initiateurs de la contre culture.
INTERMEDE: LES REVOLUTIONS CULTURELLES FONT TROIS PETITS TOURS
ET PUIS S’EN VONT…
AmeriKKKe,
Pour sauver ton économie, les stars sont tombées dans l’oubli,
A Boston, à Philadelphie, des hommes auréolés de gris fabriquent des statuettes qu’ils substituent aux dieux du passé. Ces statuettes, appelées idoles, sont de couleur blanche. Elles sourient Les teenagers en raffolent, s’en lassent et les jettent. « C’est bon pour le métier », disent les hommes en gris chargés de les remplacer. Le Rock était mort. Chaque saison apportait une danse que l’AmériKKKe offrait à ses enfants. Pour leur faire oublier le cadavre d’une musique qui pourrissait… Mais l’arbre avait, de son vivant, connu de somptueuses floraisons. Et la semence que le vent dispersa, vers la fin des années 50, allait trouver dans les jardins anglais une terre assez fertile pour qu’une nouvelle génération découvre un arbre autour duquel danser. La seconde Rock Révolution (1963- 65) emprunta les hymnes de la première « Roll over Beethoven », « Rock and Roll Music » pour les Uns; « Carol », « Bye Bye Johnny » pour les Autres et introduisit un élément de remise en question esthétique et morale: le culte des Stones symbolisait le refus de l’autorité familiale. L’Angleterre connut une brusque floraison de groupes sauvages: Pretty Things, Kinks, Them, Animals, Yardbirds. Mais l’Establishment dictait aux artistes leur conduite et le Rock restait, bien souvent un moyen de s’acheter une tranquillité dans le Berkshire,
Vint ensuite Dylan. Un curieux personnage qui donna à certains l’idée de jouer avec les mots. Et peut-être même le goût d’avoir des idées. La Californie fut le théâtre de la dernière Révolution Electrique, prodigieux trip dont nous ne vous conterons pas ici la très belle et très confuse histoire. Nous vécûmes, avec Quicksilver et la famille West-Coast des rock’n’roll bands, des heures assez freaky: envolées dans l’air froid du matin, chasses aux cristaux de conscience; découverte de l’acide, trait d’union cosmique entre des désirs oubliés et des réalités que nous n’avions pas choisies… Un livre viendra, un « Traité de Savoir-Vivre à l’usage des rock-générations » dans lequel nous nous proposons de tirer quelques enseignements de cette aventure- là, de sa faillite.
1972: IT’S SO FUNNY I COULD CRY IT’S SO FUNNY YOU COULD DIE… (Fugs)
Il fut un temps où, le rythme de la musique changeant, la ville sentait ses murs trembler. Défi ouvert à la civilisation plastik, le Rock favorisait l’éclosion des mouvements en rupture. Il témoignait de leur progression dénonçait leur répression et mobilisait des défenseurs. Le Rock donnait la mesure de la révolte adolescente. Il était le révélateur de ses désirs, un hymne à ses insurrections. Qu’est il advenu de cette énergie? Les concerts ne sont, trop souvent, que de grandes fêtes tristes où un processus immuable veut que le public manifeste son enthousiasme
ENTHOUSIASME DE COMMANDE.
Spasmes fébriles ou tentatives de ressusciter un passé par peur de se heurter au présent? Chez l’artiste, la perte d’énergie est plus flagrante encore et les très fortes personnalités (Frank Zappa, Beefheart) n’y échappent pas. Dans leur musique, longtemps symbole de la démesure électrique, les redites et les clichés aujourd’hui s’accumulent. Comparez « Just Another Band From L.A. » ou « The Spot light Kid » à « Uncle Meat » et « Trout Mask Replica »… Zap, de même que le Cpt Bee, illustre parfaitement le processus qui conduit un artiste à déformer son œuvre afin de la rendre plus accessible aux masses. Un semblant d’étude de la démarche zapienne suffit à révéler:
A) La volonté, très violente à l’origine, de livrer une vision radicale en réalisant un document sonore dégagé des concessions. Ce sera le profanateur « Freak Out » exposition de conflits baignant dans la dérision. Le premier double album d’un artiste inconnu. La révélation preuve d’ un mépris total des lois du showbiz.
B) L’affirmation (« Absolutely Free ») du parti-pris de désaliénation et, parallelement, la recherche mi-nostalgique mi- parodique d’un passé musical symphonique (« Lumpy Gravy ») ou « greasy » (« Reuben And The Jets »)
C) L’acquisition de la maîtrise suprême, période dont naîtront des chfs-d’oeuvre: « We ‘re Only IN It For Money » et « Un- -cle Meat »
D) La lassitude née de l’incompréhension du public: dissolution des Mothers, acceptation d’un rôle de faire-valoir au festival d’Amougies. Retour à la musique (Hot Rats’), mais exhumation fréquente du passé des Mothers: « Burnt Weeny Sandwich », « Weasels RippedMy Flesh »
E) La démission. Mise en place d’un répertoire et d’un orchestre plus instantanément assimilables. Grossissement des effets. Echappées vers d’autres domaines (« 200 Motels »). Utilisation croissante d’un procédé, les chœurs: « Chunga’s Revenge », « Fillmore East » Just Another Band from L.A. »
La trajectoire Zappa est révélatrice du danger d’un système dans lequel:
A) La politique de l’offre et de la demande prime sur celle de la créativité artistique.
B) L.évolution du rapport public -artiste es t évaluée en termes quantitatifs et non qualitatifs. Ce qui a pour effets:
1) De perpétuer la compétition dont ledit système tire sa force.
2) De placer la réussite au niveau du profit plutôt qu’à celui du plaisir. Ce mauvais trip dans lequel le Rock se débat, le Star System en est la cause. Le Star System qui aiguise ses outils, les médias consentantes, et qui les manimule avec une savante habilité, Le Star System qui crée les légendes dont se nourrira la presse « spécialisée », ce cercle de charognes qui se battent sur des cadavres très jeunes et placent, pour sécuriser leur leur pauvre pitance, des barrières entre l’artiste et son public. Splendeur et misère du fonctonnariat Groovy. Cette « presse » là fait des musiciens talentueux les idoles maladroites qui iront un soir s’écrouler dans leurs vomissures. La boucle est bouclée, et l’encre utilisée d’un rouge, si vif que l’on dirait du sang. The Beat Goes On…
MADE IN PHRANCE
Le Rock possède toujours deux visages. En Phrance, l’un est hideux et l’autre d’une beauté sauvage, désespérée mais hélas fugitive…
Dans le premier cas le Rock est un ersatz que dispense le conglomérat des naufragés du Twist, vétérans des bals populaires .jazzeux reconvertis et autres Anciens du Golf Drouot. C’est une culture qui fleure bon le calembour épais, l’urinoir et le graillon. C’est le quotidien des groupes qui entretiennent de bons rapports avec la presse « spécialisée » dont les représentants (de ridicules fantoches en leur immense majorité…) les feront figurer, à l’issue de leur banquet annuel, parmi les élus d’un référendum pompeusement baptisé « GP de la PMF ». C’est une variété dépoussiérée, le fond sonore au week-end de « liberté » acheté par la semaine d’esclavage. C’est une proposition bien séduisante pour le Pouvoir qui l’introduit dans ses foires agricoles et ses supermarchés. C’est un hymne à la médiocrité, une mise en lumière involontaire des tares dont souffre la Vieille Phrance. C’est la musik passe partout, diffusée, promotionnée, exploitée par les malfrats du show-business: jeunes cadres dynamiques, disc-jockeys sans envergure, petites pègres des coulisses, épiciers mythomanes, provinciaux minables venus tenter leur chance à Paris.
Et derrière tout cela, on trouve la Presse des Détritus:
c’est le triomphe de tout ce qui végète. Pop est un mot abject que nous n’emploierons plus.
Le second visage du Rock phrançais est au premier ce qu’une étincelle de vie peut-être à un amas de chairs putrides. Nous reviendrons sur ce miracle-là…
ELECTRIC PANTHER PARTY
« Le Rock’n’Roll a constitué la plus grande force motrice dans ma vie depuis le premier jour où il s’est échappé d’un poste de radio pour se loger dans ma conscience. Le Rock’n’Roll était déjà politise ». Il l’a toujours été depuis qu’ il a fait irruption dans l’esprit putride de l’Amérique plastique. C’est une énergie puissante qui bouscule une culture mortelle, inhumaine et avachie (…)
Ceux qui contrôlent le monde ont monté une double offensive: l’assimilation des éléments les moins dangereux dans leur propre culture de consommation, la répression des éléments les plus libérateurs de notre culture. Ils ont acheté les musiciens, ont altéré la musique, l’ont enveloppée dans de nouveaux emballages et nous l’ont revendue comme des hamburgers (…)
Alors que la musique était excitante et puissante, qu’elle reculait les limites de ses formes et déchargeait d’énormes rafales d’amour-énergie, elle est aujourd’hui faoble, apprivoisée, facilement assimilable pour les consommateurs les plus débiles. Les groupes qui refusent de se laisser engloutir dans le piège sont accuses de « manque de goût et d’imagination » par les gens du métier gonflés de bonne conscience. Comme il ne s’agissait pas là de la nature même du Rock’n’Roll: cracher sur les règles de la plastic death culture dans chaque hurlement dans chaque explosion de son amplifié.
Ces quelques lignes (traduction/adaptation Actuel 12) datent de l’été 1970 et résument Libération Music », texte essentiel rédigé dans une prison amériKKKaina par John Sinclair, l’homme qui, le premier peut-être, prit conscience des errances californiennes. Contrairement à d’autres, Sinclair ne se contenta pas de dénoncer une faillite mais lutta pour en cerner les causes et en réduire les effets. Sous l’impulsion des White Panthers, la scène locale (Detroit-Ann Arbor) s’ organisa en une communauté urbaine Ou musiciens et spectateurs pratiquaient /vivaient un rock n’Roll sauvage L.erreur de ces gens là fut de croire (désespoir? ) que la lutte armée pourrait aboutir a une victoire, Entre Sinclair artisan du fusil, et le MCS. qui venait d’opter pour la télépathie, la rupture était proche… Aujourd’hui, le White Par: Panther Party est devenu celui de l’ Arc-en-Ciel et John Sinclair a quitté la prison ou l’avait mené, a une période quasi indéterminée, le complot de la police ameriKKKaine. Une expérience intéressante…
Il n’existe, pour I’Electric Panther Party, que deux musiques: celle qui provoque le Désir de Vie et celle qui, par sa nature sécurisante et sa volonté d’aliéner, l’annihile.
La première nous concerne. Nous nions sa pseudo-faillite et sommes décidés à inventer en Phrance le réseau qui permettra sa diffusion, son implantation et sa survie. Nous allons pour cela réunir les
communautés songbooks, les headshops et la presse acceptable.
De leur disponibilité dépend la propagation et la bonne compréhension d’une Culture de Vie. ‘‘Les hip capitalistes, disait Sinclair, ont perverti, déshumanisé, monopolisé le Rock. “‘Far out! C’est a nous qu’il appartient, désormais, de le libérer.
Wake up, Kiddies! | .
La star est une monstruosité, une invention de l’absurde. Il est nécessaire, pour la combattre, d’apprendre le devoir de non-fétichisme et de désidolâtrie. Il est nécessaire, chaque jour, de lutter contre l’information faussée par un système qui qui a substitué l’Ennui a la Folie. L’ennui est une proposition séduisante pour le Pouvoir; pour nous elle est inacceptable, C’est pourquoi nous allons brûler vos idoles et violer vos sépultures, Au petit matin de vos orgasmes électriques vous rencontriez les stars traversant, yeux crevés et des dollars plein les poches, les déserts de l’oubli.,.
Nous méprisons la violence des rues, jette les enfants contre les robots aguerris et fournit au Pouvoir l’occasion de les entrainer vers les terres de chasse de la Répression. Mais nous croyons en la vocation politique du Rock et revendiquons sa Toute-Puissance, Par politique nous entendons lutte qu’une Culture de Vie livre a la Kultuhr de Mort, construction d’un système dans lequel ce que l’on reçoit est égal a ce que l’on a donné.
Devenez alchimistes psychédéliques, saisissez le Rock-Outil et changez la boue en or. Sans cela, vous « jouirez » d’une musique sans folie. C’est à dire d’une drogue sans magie, d‘une religion sans spiritualité.
Les murs de la ville sont dresses, bien hauts, devant le soleil, Ne les abattez pas, devenez vos propres soleils.
La Guerre des Sons continue.
ROCK ON!
ELECTRIC PANTHER PARTY
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78 VERNEUIL’
Mots-clés : Paris, Presse rock, Yves Adrien, Front de Libération du Rock, Manifeste
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