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William S. Burroughs – Histoire de Galure (29/06/77)

HISTOIRE DE GALURE

Dans la soirée du 29 juin de l’an 1977, le Centre Beaubourg a été le théâtre d’un drame affreux. Jugez-en. vous mêmes : W.S. Burroughs, venu tout exprès des lointaines Amériques pour nous donner lecture de ses dernières oeuvres, eh bien, il s’est fait voler son chapeau.
— Non ?
— Si!!!
Faut dire que c’t’affaire était mal barrée depuis le début !
Je raconte : d’abord on a eu droit à un peu de ciné, mais il y avait une bande de barbus (enfin pas tous mais presque) qu’ont pas arrêté de pousser des cris d’oiseaux pendant toute la projection, c’qui a fait qu’on n’a pas tout vu. A l’entracte, y’a des pinques (c’est ce qu’ils ont marqué dans le journal) qu’ont grimpé sur la scène où y’avait quatre petites tables avec quatre verres d’eau dessus, un verre d’eau sur chaque table, si vous me suivez… et quatre chaises:less otaublses , pis il devait y avoir un micro quèque paft. Un des affreux s’empare du micro et nous débite quelques conneries, un autre se: fout à poil (au grand plaisir des dames et de quelques messieurs de la gente assistance).
— Mouvements divers dans la salle, y’en a qui disent que ça fait partie du spectacle. Les galapiats se servent à boire dans les verres de ces messieurs les littérateurs. Là, ça devient du blasphème, du crime de lèse majesté ! et non contents, ils aggravent leur cas en balançant de la flotte sur les premiers rangs. Sur ce, GG. Lemaire, Philippe Mikriammos, Brian Gysin et le Maître en personne (enfin Burroughs…) prennent place. On croyait que les pitres de l’entr’acte allaient se tailler, mais non, ils restent et continuent de foutre la merde. Gysin, qui cause le français, mène les négociations, les trois autres se marrent un peu. Les tractations s’éternisant, des spectateurs, des violents, proposent leurs bons offices pour vider les intrus ; y’a même un vigile qui se pointe, mais Gysin, qui est un tendre, préfère régler c’t’affaire à l’amiable, enfin les pinques démarrent et retournent dans la salle.
Gysin commence la séance de lecture, puis Burroughs prend le relais, mais lui, il jaspine en amerluche, c’est là qu’on se rend compte que l’Assimil, ça laisse comme qui dirait des lacunes ! Dans l’auditoire devait quand même y avoir des compatriotes à lui ou des gus au parfum vu qui s’arrêtaient pas de se gondoler.
Les apaches, ça devait les étourdir tous ces mots qu’on y comprenait nib, y s’sont remis à faire du tintoin — un zig de ma rangée poussa des grands cris qu’il fallait qu’on le retienne, sinon il allait étriller tous ces voyous. Courageux mais pas téméraire, y s’est levé, il a même été voir dé plus près (mais pas trop quand même) puis il est revenu s’asseoir. Après, ça a vite tourné au Chambard, les pinques se sont foutus sur scène pour faire la danse du. scalp, des méchants se sont mis à leur donner des grands coups. de ‘Kung-Fu sur la tête (ça impressionne mais ça
fait pas mal) et, sacrilège! , un des voyous a piqué le galure du maître. Là, ça a tourné à l’émeute, des dames poussaient des cris, y’en a même une qui a été frapper le déicide (ou c’était p’t’être bien avant ça, j’me rappelle plus très bien). L’auditoire était partagé, y’avait les pour, y’avait les contre, et y’en avait même qui voulaient se foutre sur la gueule. Gysin essayait de calmer les esprits, Burroughs restait imperturbable dans la tempête (ça doit être le self control anglo-saxon), il a seulement fait savoir qu’il l’ouvrirait plus tant qu’on lui rendrait pas son galure, il s’est barré, toujours aussi cool, alors tout le monde s’est barré.
Des étudiantes américaines ont proposé de faire une quête pour rembourser le voyage à ce pauvre monsieur Burroughs, vous vous rendez compte, lui faire ça à lui qui vient de si loin.
On allait sortir nos mouchoirs. à défaut de sortir nos portegeuilles…
Le lendemain, Gysin racontait qu’il s’était bien marré, que ça lui rappelait le temps passé au régiment de l’adjudant Breton.
Quelques jours après, Burroughs s’est rebarré chez lui pour se racheter un couvre-chef. Au fait, et le galure, qu’est-il devenu dans tout ça ? Il paraît que les pinques ont voulu le rendre à son propriétaire, mais qu’il en a pas voulu. Comme ils avaient pas la patience d’attendre que Burroughs ait le nobel, alors ils ont été le vendre illico presto pour se payer de quoi licher.
Décidément, c’t’histoire est vraiemnt pas morale !

J.F. Charpin – Annie aime les sucettes n°1 (19/01/78)

Presse-AnnieAimeLes-Sucettes-n01Euthanasie-09clean-324x1024 William S. Burroughs - Histoire de Galure (29/06/77)
Collection : New Wave / Numérisation par David Euthanasie

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