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Patrick et Thomas

Un voyage à Mont de Marsan, un lointain 5/6 août. Agréable compagnie, on se retrouve à plusieurs affalés sur les banquettes à faire des prévisions à propos du festival. On laisse le paysage défiler et on n’a plus qu’à se laisser transporter jusqu’aux fameuses arènes qui nous donneront le spectacle que vous avez déjà vu, ou dont vous avez entendu parler. Passons donc là-dessus !

Concerts parisiens à la rentrée. Retrouvailles. Alors qu’est-ce que vous devenez ? Sans plus. Le temps passe, le projet de journal se précise et puis un jour, une idée, faire un article avec ces copains de voyage, une sorte de discussion sur le public et l’évolution de la nouvelle vague.
« Si tu veux savoir, on est venu au punk naturellement ; déjà, on écoutait du rock. J’ai commencé quand j’avais onze ans à écouter Eddie Cochran, Johnny Halliday et puis tout s’est enchaîné, toutes les grandes périodes : Rolling Stones, période psychédélique, Grateful Dead, même Yes et puis un retour au rock avec les New York Dolls, Stooges, fréquentation comme tant d’autres de l’Open Market. Le punk c’est quelque chose d’essentiel parce que pour la peremière fois depuis 1969 on entend de nouveau une musique complète avec quelque chose derrière.
« Avant, tu avais des groupes ici ou là, mais pas un ensemble. A nouveau, on sent une vie, une circulation des sons et des idées, une révolte — plus tripale d’ailleurs que politique — une provocation, des fringues. »

« Mais on écoute pas que du punk, on aime bien également la bonne chanson : Gilles Servat, Béranger et. Charles Trénet. On reste pas fermés, on veut pas se braquer sur une seule idée. Simplement, le rock nous est essentiel. »
On abordera ensuite les principaux groupes que Patrick et Thomas écoutent : Clash, Sex Pistols. «Celui qu’on préfère, c’est Clash parce que c’est le groupe qui nous correspond le plus. L’image, la musique, la présence scénique, le reggae, les paroles, un ensemble finalement. Mais, bon, les Sex Pistols sont essentiels par la violence qu’on ressent en les écoutant. Damned ? sur scène, oui ! Mais c’est plus faible que les deux autres. Un groupe « fun » mais qui prend moins prise sur notre vécu, moins complet. On passe un bon moment, mais Damned n’a pas la même importance que Clash et Sex Pistols qui sont une présence constante sur tous les aspects de la vie. »
Une remarque. Se détachent ces trois groupes mais les autres, Buzzcock, Subway Sect, Siouxie and The Banshees sont peu connus. La scène anglaise, référence majeure reste pour une bonne part inconnue au public français qui reste dans le vague, le flou, s’er tenant surtout aux valeurs sûres.
Et les groupes américains ?
« Television, Modern Lovers, Dictators ».
Et les Ramones ?
« Non, faiblard, seul un côté juvénile qui fait rire, mais c’est juste un disque à écouter de temps en temps, sans plus ! ».
Les groupes français ?
Alors là, étonnement, un décalage vers les groupes rocks traditionnels. Little Bob Story et Téléphone l’emportent haut la main, suivis par Bijou. 1984, Lou’s, Marie et les Garçons sont appréciés. Stinky Toys et Asphalt Jungle sont relégués aux oubliettes, apparemment à cause d’une certaine image mondaine qui colle aux groupes.
Ce qui est le plus significatif, et dramatique !, c’est ce déplacement du public français, de Clash et de Pistols vers des groupes excellents certes mais dont l’image est beaucoup plus faible que celle de la nouvelle vague outre-manche. Le côté musique totale, « mouvement », style de vie, fringues, disparaît ici ! Pour que les groupes français marchent, il leur faudrait une énergie qui leur manque, un contact avec le public, y compris dans l’agression, mais surtout pas ces regards froids, crispés. Le jeune mec, en bas de la scène, est considéré trop souvent par les groupes comme ennemi potentiel, appréhendé comme un futur détracteur et résultat, c’est ce qui se passe le plus souvent. Alors, si certains
groupes de la scène parisienne arrivent à être appréciés, cela ne dépasse pas le stade de l’estime, ils n’arrivent jamais à avoir leur public d’habitués qui, par le bouche à oreille, fera que l’on fera se déplacer les copains qui, à leur tour.
« A Paris, c’est sûr, c’est pas comme à Londres. Oui, les groupes parisiens sont sympas, ils avancent des idées intéressantes mais jamais on les voit à l’oeuvre. Le scandale, on en entend parler, mais c’est par des « parties », style accélération punk, qu’il transparaît. C’est pas une forme de scandale qui nous passionne parce qu’on en est exclus. On aime pas tellement ce milieu mondain, mais, bon, on nous inviterait à une party, on viendrait pour voir ! Toi, tu y as déjà été ? Tu en connais, toit, de cette fameuse intelligentsia parisienne ? » Ne théorisons pas sur les « parties ». Elles ne sont en rien une expression nouvelle de la jeunesse due au punk-ock. Elles sont tout justes considérées comme une forme
de spectacle réservée à quelques privilégiés. « Sinon, comme scandale, tu vois, le concert de Bijou, l’autre jour, on aurait bien aimé que cela se termine par un casse de l’Olympia, que cela bouge enfin ! A Paris Qu’est-ce que tu veux faire d’autre que d’aller aux concerts ou d’acheter les disques. I! manque un lieu de rencontre punk où l’on puisse discuter, une sorte d’Open Market. Music Box, Harry Cover, trop froids, on ne s’y sent pas à laisse. On ne peut pas s’asseoir, rester un petit moment, écouter les nouveautés, discuter de fringues, rencontrer des gens. Finalement, il n’y a que les gens qui ont les relations qui peuvent se tenir au courant, mais nous ? On n’a que Best ou Rock’n’Folk pour se tenir au courant!!! Alors comment veux tu qu’il se passe à Paris un développement de la nouvelle vague. Tout
reste enfermé, dans un ghetto ! »
Vous me parliez des fringues tout à l’heure ?
«Ce que l’on aime surtout, c’est les costards, sobres, un ou deux badges, mais pas plus, pas de quincaillerie. Marquer le coup simplement ! Un côté jeu dans les fringues qui n’est pas déplaisant. Toute cette récupération de vieux vêtements, c’est très bien ! »
Pourtant, vous, vous n’en portez pas ?
« Oui — sourire gêné — eh ! bien ! pour tout te dire, par exemple, j’avais pas envie de me couper les cheveux. »
« Moi. ca vient. tu vois auiourd’hui, j’ai une veste de cuir, mais tout se fait naturellement. »
« Et puis tu sais, on est pas des vrais punks ».
Vous vous intéressez à la politique je crois ? Ce qu’on appelle «punk» c’est un peu contradictoire avec la politique, comme vous le disiez tout à l’heure, il s’agit d’une sorte de révolte globale, tripale, un certain esprit de dérision et de provocation quand même contradictoire avec la LCR, par exemple ?
«Pour moi, il ne faut pas mélanger. La musique, c’est chez soi. La politique, c’est partout. Entre un superconcert et la manif après le «suicide » de Baader, j’aurais choisi la manif — les Sex Pistols, j’aurais hésité. »
J’en vois qui vont sourire. Pourtant, le public à Paris est cela aussi et ce n’est pas un hasard si Clash est un groupe essentiel en France, On ressent ici sur ce sujet le même décalage entre la compréhension de ce qui peut se vivre à Londres et à Paris. On considère qu’à Londres, il s’agit d’un mouvement, mais, ici, à Paris, on continue de tout séparer. A côté des Clash, on place Little Bob Story, etc. Et la politique traditionnelle garde un grand rôle, parce que la Vie c’est une urgence, et qu’il ne se passe rien, alors on se raccroche à ce qui existe, qui est sûr. Il n’y a pas de lieu de rencontres, de circulations des idées, de concerts réguliers et pas chers, de journal…
Et vous ne jouez pas ? Vous ne voulez pas faire un groupe ?
« On essaye d’apprendre la guitare, mais c’est long. Il y a Antoine, un pote à nous, qui monte un groupe. Ils ont commencé à répéter, C’est vrai qu’on aimerait jouer. Toujours être aux concerts en spectateurs, c’est frustrant. Il y a un truc qu’on voulait te dire : en ce moment, c’est qu’on apprend l’anglais pour comprendre les paroles parce que c’est essentiel, Écouter Clash et rien comprendre, très chiant. Pour finir, on aimerait bien un concert punk à la Défense, dans le béton !!! »

P.S. Cet article ne prétend pas représenter LE PUBLIC, mais simplement une certaine sensibilité qu’on rencontre au hasard des concerts. Dans chaque numéro, nous essaierons de continuer ce genre d’articles avec à chaque fois, des figures différentes, de façon à pouvoir dresser un aperçu fidèle
de ce qui nous fait aimer cette musique.

JOHNNY-GUEULE D’AMOUR – Annie aime les sucettes n°1 (19/01/78)

Presse-AnnieAimeLes-Sucettes-n01Euthanasie-02clean-724x1024 Patrick et Thomas
Collection : New Wave / Numérisation par David Euthanasie

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